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était-il tout joyeux d’annoncer que l’architecte Raymond avait trouvé le moyen d’éclairer la galerie par la voûte, ce qui procurerait aux toiles une lumière plus douce et plus égale : « Le nouveau développement que va donner à la collection des tableaux la suppression des croisées me met dans le cas d’assurer Votre Majesté que cette galerie prendra dans son genre un caractère aussi imposant que celle des statues, et que les deux collections réunies seront le plus grand monument qui aura jamais existé. »

La transformation indiquée par Raymond s’accomplit par les soins de Fontaine et de Percier ; la galerie fut divisée en travées, le jour ménagé par la voûte, et l’on tira, comme peuvent s’en assurer les innombrables visiteurs du Louvre, le meilleur parti possible d’un local qui n’avait pas été construit pour servir de musée. Mais cette opération souffrit bien des lenteurs et des contretemps. Tantôt c’était la bibliothèque du Conseil d’Etat, qui, entreposée dans le fond de la galerie soi-disant pour quelques semaines, l’encombrait pendant plus d’une année et retardait d’autant les travaux ; tantôt c’étaient les tableaux mêmes qu’on était obligé de déplacer et de soustraire aux regards du public : « Ce que j’avais prévu arrive en ce moment, » écrivait Denon exaspéré ; « la moitié du Musée devient le magasin de l’autre moitié ; il faut que je ferme la totalité de la grande galerie. » Ce qui était plus grave, c’est qu’un dissentiment fondamental persistait entre le directeur et l’architecte : mal converti aux idées de son prédécesseur Raymond, Fontaine tantôt insinuait qu’on pourrait ne pas étendre à toute la galerie l’éclairage par le haut, et tantôt mettait a poursuivre l’opération une lenteur calculée. Avant le départ de Napoléon pour la campagne d’Eckmühl et de Wagram, une vive discussion, presque une altercation, eut lieu en sa présence : Denon, non content d’avoir obtenu le plafond vitré sur toute l’étendue de la galerie, aurait voulu qu’on bouchât les fenêtres, pour gagner de la place et mieux éviter les faux-jours ; Fontaine s’y opposa avec indignation, au nom de la symétrie, de l’élégance, et finit par avoir gain de cause. Cependant ces travaux, ainsi que la construction de l’escalier monumental (détruit sous le Second Empire), avaient pour résultat d’interdire complètement au public l’accès de la collection des tableaux pendant plus de dix-huit mois.