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promesse de faire instruire ses enfans dans la religion catholique, avait fait entrer par le baptême ceux qu’il avait déjà dans la communion protestante. La paix du ménage était encore plus difficile à conserver quand l’un des conjoints abandonnait la religion qui leur était commune. Si Sam. Robert et sa femme firent, comme on l’a vu, mauvais ménage, ce fut beaucoup à cause du désir de celle-ci de se convertir au catholicisme. Bien peu de femmes surent s’y prendre comme Mlle de Neuvillars qui, convertie elle aussi après son mariage, réussit, à force de réserve, de tact, de déférence et de vertus, en pratiquant ses dévotions en secret, en ne parlant presque jamais à son mari de religion, à obtenir de lui pour ses nouvelles croyances une tolérance qui alla jusqu’à permettre que ses fils fussent élevés dans l’orthodoxie sous la direction de Pères Jésuites.

Sortons de ce milieu exceptionnel où les dissidences religieuses s’ajoutaient à tous les risques qui menacent le bonheur domestique, pour rentrer dans la vie commune, dans ce que cette vie commune a de plus ordinaire. C’est, en effet, parce qu’il ressemble beaucoup aux autres ménages de commerçans marseillais que leurs intérêts dans le Levant éloignaient de leur foyer, que nous nous arrêterons un instant devant celui de Jeanne Reynette et de Benoit Ferrenc. Jeanne entretient son mari de ses affaires, se plaint de son silence, se montre touchée des nouvelles qu’elle reçoit, prie beaucoup pour lui, fait dire des messes pour son retour, lui envoie du linge. Malgré la sobriété de l’expression, on sent dans sa correspondance une affection vraie, on devine une vie attristée par l’absence.

Le moment serait venu, semble-t-il, de placer dans leur cadre matériel les figures dont nous aurions voulu faire les types de couples conjugaux appartenant à des milieux différons ; mais ce que nous aurions à dire de l’harmonie entre la vie morale des époux et la distribution des intérieurs sera, croyons-nous, mieux placé ailleurs. Nous nous bornerons ici à quelques observations. Le ménage des petits et même des moyens commerçans et artisans se contentait d’une installation étroite et sommaire. Charles Dieu, maître passementier à Troyes, couchait avec sa femme dans une chambre haute, où se trouvaient deux autres lits pour leurs sept enfans et où l’on faisait aussi la cuisine. Au rebours de cette promiscuité qui, en tant qu’elle consistait à faire coucher ensemble les enfans du même sexe, a encouru la