Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/665

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valablement à le restituer parce qu’elle était exceptée, comme toutes celles de son rang, de la rigueur de la coutume qui exige cette autorisation. De cette argumentation, il faudrait conclure, d’une part, que ceux de ces actes qui ne se rapportaient pas exclusivement aux besoins domestiques n’étaient valables qu’en vertu d’une autorisation particulière, de l’autre, que les femmes de qualité avaient le privilège d’être affranchies de cette condition. En fait, le mari tirait rarement parti de ces distinctions juridiques. Plus il se sentait rassuré dans sa dignité et ses intérêts par la situation prépondérante que lui faisaient la loi et l’opinion, plus il abandonnait complaisamment à celle dont il avait éprouvé le savoir faire et le dévouement, la conduite de sa maison et même la gestion de son patrimoine. Plus d’un, pour se soustraire à la tentation de s’en mêler, donnait à sa compagne une procuration générale. On ne compte pas les ménages où l’ordre a été assuré, défendu tout au moins par la maîtresse de maison. Que de grands seigneurs généreux, prodigues, dédaigneux d’une comptabilité sévère eurent à s’applaudir d’avoir fait de leur femme l’intendante de leur fortune ! Quand Marie-Félice des Ursins épousa, à dix-sept ans, Henri II de Montmorency, ce n’était pas seulement au chef d’une des plus illustres maisons du royaume qu’elle confiait sa destinée, c’était à un gentilhomme aussi imprévoyant et aussi peu ordonné que brave et séduisant. La maison du duc ne pouvait recevoir la nouvelle duchesse sans que le train s’en trouvât augmenté. Ce fut elle qui choisit le personnel nouveau. Elle le voulut peu nombreux et se contenta pour elle de six pages. Elle voulut aussi réduire à douze les vingt-quatre qui servaient son mari, mais celui-ci se refusa à cette diminution en disant galamment qu’ils seraient à elle comme à lui et suppléeraient au petit nombre de ceux qu’elle avait pris à son service. Le duc avait remis entre ses mains la conduite de sa maison. Elle se rendit compte du revenu et des charges, et ayant établi pour l’ensemble l’actif et le passif, elle entreprit de convaincre son mari qu’il fallait faire des économies et qu’elles étaient urgentes. Ici, nous voyons une femme lutter contre les prodigalités de son conjoint. Le ménage de Philibert de Pompadour et de Marie Fabri nous fait assister au même spectacle. Seulement, dans ce cas, c’est la femme, c’est l’ordre et la préservation du patrimoine qui l’emportent. Ce résultat ne fut pas obtenu sans peine. Le