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gentilhomme dont Marie Fabri va partager la vie n’a jamais voulu voir un livre de recettes et de dépenses et ne veut pas entendre parler d’épargne. La domesticité, celle surtout qui est affectée à la chasse, dépasse les besoins et est aussi mal payée que surabondante. Les intérêts du maître sont abandonnés sans contrôle à un homme d’affaires qui laisse tout aller au hasard. La nouvelle vicomtesse prend tout de suite en mains l’administration. Le vicomte se rebiffe un peu contre certaines économies, se plaint qu’on veuille restreindre les frais de l’hospitalité seigneuriale, retrancher sur ce qu’il doit à une clientèle qui n’en finit pas, où, comme le dit un intendant qui, lui, n’est guère moins dévoué que bon administrateur, « chaque saint demande sa chandelle et son suffrage, » c’est-à-dire chaque parasite sa sportule. Philibert de Pompadour n’en conçoit pas moins, pour la capacité de celle qui le remplace si bien, une telle estime qu’il lui laisse le soin de mettre ses châteaux en état de défense, et de fait elle dirige avec une fiévreuse ardeur les travaux de fortification de celui de Pompadour. Elle est si nécessaire à la bonne gestion de la fortune, que quand, par une circonstance quelconque, sa surveillance fait défaut, le gaspillage recommence. Il arrivera même que sa vigilance et sa fermeté se trouveront impuissantes à conjurer le désordre, et que le beau-père, l’ancien trésorier de l’extraordinaire des guerres, Fabri, qui veillait de loin sur une fortune dont il se considérait avec raison comme en grande partie l’auteur et qui avait subvenu plus d’une fois aux embarras du ménage, ne crut pouvoir la sauver qu’en faisant rentrer dans la maison l’intendant éprouvé dont nous venons de parler. Marie Fabri pourtant n’abandonna pas à cet intendant l’administration du patrimoine. Elle continua à s’en occuper elle-même et procéda à la liquidation très épineuse de la succession de son père avec une intelligence des affaires et un succès remarquables. Elle réussit à assurer au vicomte de Pompadour la large existence seigneuriale dont il avait besoin et à laquelle elle tenait elle-même. Les absences de son mari, qui était lieutenant général du Limousin, l’amenèrent plus d’une fois à se mêler des intérêts de la province. Restée veuve à trente-cinq ans avec huit enfans, elle se montra, dans leur tutelle et pour leur établissement, aussi avisée qu’elle l’avait été pour sauvegarder le patrimoine commun de la ruine dont le menaçaient l’incurie de