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ici les preuves que nous en avons données quand nous nous sommes occupé de la vie professionnelle.

Après avoir établi que, dans l’économie domestique y compris l’administration des biens, la première place appartenait aux femmes et qu’elles la méritaient par leurs qualités, il faut ajouter qu’il y en avait un certain nombre qui faisaient exception à la règle, à qui il aurait été imprudent de confier la gestion des intérêts communs et qui étaient même de mauvaises ménagères. On connaît tous les dons qui rendaient la marquise de Rambouillet, Catherine de Vivonne, si séduisante et si respectable, mais il lui manquait de savoir conduire les affaires de sa maison. La marquise de Sablé, Madeleine de Souvré, était bien romanesque et bien chimérique pour tenir la sienne. Elle ne laissa presque rien à ses enfans. La maréchale de Châtillon, toute à la dévotion, en était aussi tellement incapable, que son mari, Gaspard de Coligny, fut obligé de lui en ôter la direction. Mme Roger trompa la confiance du sien, fils d’un riche orfèvre de Paris qui lui avait donné une procuration générale et l’endetta de 50 000 écus. Marie de Montauron, fille du célèbre financier, Puget de Montauron et femme de Gédéon Tallemant, cousin germain de Tallemant des Réaux, ne faisait œuvre de ses dix doigts, elle ne s’en servait que pour tenir des cartes. C’est ici le lieu de rappeler les intérieurs dont parle Montaigne où Monsieur rentrant vers midi « maussade et tout marmiteux du tracas des affaires, » trouvait encore Madame à sa toilette. On pourrait multiplier ces exemples. On pourrait même, pour prétendre que le commun des femmes ne remplissait pas le rôle que les idées du temps leur assignaient et à laquelle l’éducation les préparait, invoquer une remarque générale de La Mothe Levayer qui parle du mépris que font celles de son temps des soins domestiques ; mais ni ces exemples ni l’affirmation d’un écrivain, qui fut beaucoup moins un observateur qu’un philosophe livré à des spéculations abstraites, ne peuvent prévaloir sur les témoignages plus nombreux et plus autorisés que nous avons recueillis.

Dès qu’on essaie de se représenter l’économie d’un intérieur familial, on retrouve la domesticité. On se rappelle peut-être qu’elle nous a déjà occupé[1], mais nous ne l’avons envisagée

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1911.