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fait choix d’une compagne de voyage, Mme Davidoff, femme du premier secrétaire de l’ambassade de Russie à Stockholm, choix d’autant plus étrange qu’elle se défiait d’elle et ne le cachait pas à Armfeldt.

« Il y a des cabales dans la mission russe, lui mandait-elle, qui ne me donnent pas une haute opinion de la moralité de Mme Davidoff, puisque enfin on ne vient pas recevoir des politesses de gens qu’on cherche à dépouiller de leur place. Elle intrigue à la Cour de Pétersbourg pour faire nommer son mari ambassadeur, s’appuyant sur ce qu’il est ici en très mauvaise odeur, tandis qu’elle a eu le talent de se faire bien venir partout et est très en crédit à la Cour… »

Ce jugement n’exprimait que la vérité. Mme Davidoff, tout en se montrant l’amie de Madeleine et dévouée au parti d’Armfeldt, les trahissait auprès du Régent et de Reuterholm. Ils détestaient Stackelberg ; ils avaient même demandé son rappel et entretenaient l’espoir que nourrissait cette femme de voir son mari succéder à l’ambassadeur. Malgré tant de raisons qu’avait Mlle de Rudenschold de se défier d’elle, Mme Davidoff lui avait demandé la permission de l’accompagner et il était convenu qu’elles partiraient ensemble. Mais encore fallait-il que Madeleine obtint le consentement de sa mère. La comtesse de Rudenschold âgée et infirme le refusait ; elle ne voulait pas se séparer de sa fille. Néanmoins, celle-ci ne se décourageait pas et conservait l’espoir d’avoir raison de sa résistance.

Vers le même temps, elle reçut de son amant, avec prière de la communiquer au Régent, une note dans laquelle il énumérait les périls que ferait courir à la Suède une alliance avec la République française. Puis, à l’improviste, ce fut la communication d’une nouvelle apprise par hasard et bien propre à déconcerter ses espérances. Armfeldt avait invité sa femme à partir pour Naples où il devait la retrouver. Un peu plus tard enfin, une confidence, aussi malveillante que calculée, apprenait à Madeleine les assiduités de son amant auprès de la princesse Mentschikoff. Les lettres qu’on va lire s’alimentent de ces informations et continuent à nous révéler le trouble et l’exaltation de la maîtresse d’Armfeldt.

Mardi le 14 mars. — « Depuis ma dernière lettre, j’ai eu le plaisir de recevoir deux des tiennes, âme de ma vie, celles du 16 et du 18 février…