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être alors équitable de compenser dans une petite mesure aux zoniens de la Haute-Savoie, comme on le faisait depuis longtemps aux zoniens du pays de Gex, ce qu’il y avait d’excessif dans ce régime d’exterritorialité appliqué à des Français. Mais ce privilège limité, cette modique franchise d’importation, on ne tarda pas à l’élargir, à l’étendre démesurément : c’est ce qu’on commença de faire dès 1863 ; c’est ce qu’on fit surtout en 1892-93, à l’occasion de la guerre commerciale franco-suisse dont la zone devait avoir particulièrement à souffrir ; c’est ce qu’on faisait hier encore et ce qu’on fera peut-être demain, car quand on est entré dans la voie du privilège, on ne s’arrête plus que malaisément. Entre-bâillée seulement en 1860, la porte française est maintenant plus qu’à moitié ouverte à la zone, concession d’autant plus appréciable que depuis 1860 la France, devenue protectionniste, a singulièrement haussé ses murailles douanières : la zone n’est plus une zone « franche, » mais une zone « privilégiée, » et de faveur en faveur, les zoniens en sont arrivés à cumuler, avec tous les avantages que leur assure en tant que consommateurs leur régime de libre-échange, une bonne partie de ceux qu’assure le protectionnisme à la production française.

C’est le cas des agriculteurs de la zone, c’est-à-dire de la majorité des zoniens. Depuis 1893, qu’ils soient Français ou Suisses, ils ont la franchise d’importation en France pour tous les produits de la terre ou à peu près, tantôt sans limitation de quantité, tantôt dans la limite des crédits annuellement et d’ailleurs très libéralement fixés par le ministre des Finances. Ils ne paient rien des charges douanières françaises, et ils n’en ont pas moins le droit de vendre leur blé, par exemple, dans l’intérieur de la France, sous la protection de la douane française et aux prix de faveur que vaut cette protection à l’agriculture nationale, et l’on conçoit que ce privilège, modique au début quand les droits sur les blés étaient modiques, soit devenu des plus précieux depuis que ces droits se sont haussés à 7 francs. Sans doute cela ne va pas sans contrôle ni formalités : déclarations