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indirectement, à terme ou sans délai, le retour au droit commun.

En dehors de la zone, il est naturel que de nombreuses protestations se soient fait entendre contre le privilège zonien, surtout depuis l’avènement du protectionnisme en France. Dans les vingt dernières années, une cinquantaine de Chambres de Commerce se sont à diverses reprises élevées, par délibérations motivées, non seulement contre les fraudes que favorise le régime de la zone, mais contre ce régime lui-même, contre les exemptions et les immunités dont il est constitué. Pourquoi, dit-on, laisser subsister sur notre frontière, en un temps où chaque pays renforce ses barrières protectrices, cette brèche par où s’infiltre la fraude ? Pourquoi maintenir ces faveurs fiscales, dont la charge retombe sur la masse des contribuables, ces franchises douanières qui permettent aux zoniens de se faire traiter comme étrangers pour tous leurs achats et comme Français pour une bonne partie de leurs ventes ? La Constitution n’assure-t-elle pas l’égalité des citoyens devant la loi ? — Si dans le voisinage immédiat de la zone, notamment dans l’arrondissement d’Annecy, les réclamations ont été spécialement vives et nombreuses, c’est que le contre-coup du privilège zonien s’y fait sentir d’une façon spécialement dommageable. Du fait des franchises d’importation zonienne, du fait aussi des fraudes à l’importation, les agriculteurs de la région voient en effet les prix de vente de leurs produits artificiellement abaissés ; les commerçans sont entravés dans leurs affaires avec la zone par cette ligne de « douanes intérieures » qui, en favorisant Genève, appauvrit Annecy, comme une haute muraille appauvrit l’arbre auprès duquel on l’a dressé : l’arrondissement d’Annecy, qui ne jouit d’aucune des faveurs du régime zonien, revendique son droit à n’en pas subir les préjudices. En matière administrative, isolé en face des trois arrondissemens zoniens, il souffre de l’antagonisme, de la suprématie de la zone ; ses intérêts ont souvent été négligés par la majorité zonienne du Conseil général au profit de ceux de la zone ; sur trois sénateurs de la Haute-Savoie, il n’y en a actuellement pas un pour Annecy ; l’union, la bonne harmonie sont détruites dans le département.

Séparés de leurs concitoyens par la barrière douanière, comme ils l’étaient autrefois par le manque de communications, les zoniens, en revanche, se sentent naturellement attirés vers la