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eu soin de se déguiser afin de ne pas attirer l’attention. Le premier ministre s’empressa de le recevoir. Lorsqu’il eut pris connaissance de la lettre du Régent, il conduisit le mandataire auprès du Roi. Sa Majesté montait en voiture pour aller à Portici. L’entretien ne dura que quelques minutes. Palmquist remit la lettre du Régent au royal destinataire. Elle était ainsi conçue :

« Monsieur mon frère, me voyant dans la fâcheuse nécessité de rappeler subitement de la Cour de Votre Majesté le ministre que je viens d’envoyer résider auprès d’Elle, le baron d’Armfeldt, mais encore de le faire arrêter pour crime d’Etat au premier chef, je n’ai pas dû manquer d’en faire part à Votre Majesté, parfaitement convaincu qu’Elle ne regardera cette démarche, à laquelle je me vois forcé par les raisons d’Etat les plus graves, et les plus pressantes, que comme une suite naturelle de ma juste sollicitude de maintenir le repos et la tranquillité de mon royaume, qu’un sujet rebelle et audacieux ose vouloir troubler par ses sourdes intrigues. J’attends donc des sentimens d’amitié de Votre Majesté, et de l’intérêt qu’Elle a toujours voulu prendre à ma satisfaction, qu’Elle daigne donner ses ordres, de façon que la personne chargée des miens puisse se saisir du baron d’Armfeldt ainsi que de tous ses papiers, savoir mon aide de camp général et commandant d’un de mes vaisseaux de ligne, le baron de Palmquist, qui aura l’honneur de lui présenter cette lettre, puisse s’acquitter de sa commission avec le secret nécessaire en pareil cas.

« Ce n’est qu’avec la plus grande répugnance que je me suis décidé d’ôter d’une manière aussi brusque d’auprès d’un prince, que j’aime et que j’estime aussi particulièrement que Votre Majesté, mon envoyé, malgré qu’il y a longtemps qu’individuellement il ne l’a que trop mérité ; mais, ne me laissant plus le parti de la clémence possible, et comblant la mesure de ses témérités, il conspire ouvertement contre moi, et l’Etat. C’est un délit de nature à être ressenti partout, et aucun souverain légitime, j’en suis sûr, ne voudra soustraire à la punition des lois un sujet aussi coupable.

« J’espère que l’amitié vraie et solide qui subsiste entre nous ne souffrira en rien de cet événement. Elle m’est trop chère pour que je ne la cultive pas soigneusement toute ma vie. Une nomination plus heureuse que cette dernière, pour occuper la