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de la sévérité des condamnations prononcées, exigeait qu’elles fussent encore plus sévères. Le grand chancelier Sparre, pour faire sa cour au Régent, témoigna d’une fureur barbare contre la pauvre Madeleine : il déclarait qu’elle devait être fustigée publiquement avant d’être conduite à l’échafaud. Influencée par ces fureurs, la cour n’osa se soustraire aux exigences dont elle était l’objet. Au mépris de toute justice, elle rendit un second jugement où il était fait état de toutes les conclusions du procureur général.

Mais l’excès même de ces violences les fit avorter. L’opinion publique se soulevait et se révoltait. Elle comparait les condamnations prononcées contre les ennemis de Reuterholm avec l’indulgence dont il avait fait preuve envers les assassins de Gustave III ; elle n’admettait pas que les condamnés d’aujourd’hui, en cherchant à renverser un ministre omnipotent, eussent été plus coupables que les meurtriers auxquels on avait fait grâce. Enfin, elle s’indignait de la dureté des peines prononcées contre Madeleine de Rudenschold, flétrissait la conduite du prince qui consentait à laisser périr cette infortunée.

D’autre part, la duchesse de Sudermanie et la princesse Sophie-Albertine remuaient ciel et terre pour obtenir la grâce de Madeleine. La première rappelait à son mari la promesse qu’il lui avait faite ; la seconde plaidait auprès de son frère pour son ancienne demoiselle d’honneur ; elles s’abaissèrent jusqu’à supplier Reuterholm et, bien qu’il leur reprochât avec insolence de s’intéresser à des traîtres, elles insistèrent. Sous la pression du sentiment public et en présence des sollicitations qui arrivaient de toutes parts, le gouvernement décida que les condamnés auraient la vie sauve. Mais c’est tout ce que les solliciteurs purent obtenir de lui ; les autres peines furent maintenues.

Le 23 septembre, les habitans de Stockholm purent voir le nom d’Armfeldt cloué au pilori et sur la même estrade Ehrenstrom exposé. Quelques jours plus tard, l’ancien secrétaire royal était conduit au pied de l’échafaud. Là on lui donna lecture de la décision royale qui lui accordait la vie. Puis, en vertu du jugement qui le vouait à une détention perpétuelle, « sans que jamais il put être compris dans une amnistie, » il fut incarcéré dans la forteresse de Carlsberg où Aminoff l’avait devancé. Mineur et Forster, mêlés à cette affaire sans qu’on puisse s’expliquer pourquoi, étaient emprisonnés pour plusieurs années.