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dirigea ses études jusqu’à ce qu’on lui eût choisi une gouvernante.

Cet étrange et pénible roman ne s’était pas encore dénoué lorsque Armfeldt fut rappelé à Stockholm au printemps de 1801. Peu de jours après son arrivée dans la capitale, il fut admis à l’audience du Roi. Quoiqu’il ait ensuite écrit que Gustave IV l’avait reçu « d’une manière digne de Gustave III, » il est certain que les espoirs d’avenir qu’il s’était plu à fonder sur cette entrevue furent trompés. L’accueil avait été glacial. Aux yeux de ce prince d’une piété rigide et d’une irréprochable correction de mœurs, l’ancien favori de son père portait le poids des désordres de sa vie privée, et, sans doute aussi, Gustave IV se souvenait des imprudences politiques commises par Armfeldt pendant la régence et condamnées par la justice du royaume. Quoi qu’il en soit, ils ne se revirent pas. Ces circonstances contribuèrent à rendre déplaisant au baron d’Armfeldt le séjour de la Suède ; il n’y retrouvait plus les mêmes attraits qu’autrefois ; on le tenait pour un homme vieilli et quelque peu déconsidéré. Néanmoins, l’année suivante lui apporta un témoignage de la bienveillance royale : il fut nommé ministre de Suède auprès de la Cour de Vienne. Il ne tarda pas à partir pour aller occuper ce poste qu’il ne quitta qu’à l’époque de la Révolution de 1809, pour passer au service de la Russie. Il y resta peu d’années. La mort le frappa à Saint-Pétersbourg au mois d’août 1814. La faveur de l’empereur Alexandre avait embelli la fin de sa vie. Ce prince se plaisait à discuter avec lui les questions militaires et les discutait encore, assis à son chevet, la veille même de son décès. Quant à la baronne d’Armfeldt, elle ne mourut qu’en 1832, à Stockholm où elle vivait, entourée de ses enfans et objet du respect universel.

La destinée de Madeleine de Rudenschold fut plus douloureuse. Gustave IV, à son avènement, avait ouvert sa prison, prononcé sa réhabilitation et assuré son avenir en lui assignant pour résidence un petit domaine appartenant à l’Etat ; d’autre part, le duc de Sudermanie, à la prière de sa femme, servait à cette infortunée une petite pension. Elle aurait donc pu trouver dans cette retraite l’oubli de ses fautes et de ses malheurs. Mais, comme le prouve tout ce que nous savons d’elle, c’était une âme agitée et surtout avide de tendresse. Dans son existence solitaire, elle écouta de nouveau la voix d’un séducteur. Celui-ci, loin d’être un brillant seigneur comme