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du recrutement. Il est grand temps d’y remédier et de renforcer les effectifs du Sénégal de manière à pourvoir méthodiquement et sans précipitation aux besoins toujours grandissans de notre expansion coloniale.

La formation d’une armée noire est possible, mais il faudra plusieurs années d’un travail suivi pour assurer le maintien permanent d’une division dans l’Afrique du Nord. Il n’y a pas un moment à perdre soit par la Direction des troupes coloniales, soit par le gouvernement de l’Afrique occidentale française.


III

Cette division pourrait-elle être stationnée en Algérie ? L’expérience qui vient d’être faite nous oblige à formuler bien des réserves.

Le bataillon de tirailleurs, constitué dans les premiers mois de 1910 pour tenir garnison dans l’Extrême-Sud oranais, fut recruté d’une manière hâtive. La Côte d’Ivoire était alors en pleine révolte, le Gabon et le Congo entraient à peine dans la voie de la pacification ; nos compagnies du Tchad se voyaient bloquées dans leurs postes. Toutes les semaines, des unités partaient de Dakar ; il fallut, pour achever la formation du bataillon d’Algérie, faire appel aux tirailleurs épuisés par les colonnes de Mauritanie et aux gardes-cercle des territoires civils, miliciens pour la plupart dépourvus d’instruction militaire. Les 800 indigènes du bataillon ne donnaient pas l’impression d’une troupe homogène ; toutes les races de l’Afrique s’y coudoyaient. Fait bien plus grave, nombre de tirailleurs n’étaient guère en état de supporter de grosses fatigues. Le choix de leurs garnisons allait cependant leur infliger de nouvelles épreuves ; le bataillon fut débarqué à Oran et dirigé, par moitié, sur Beni-Ounif et Colomb-Béchar. En descendant du train, on s’aperçut aussitôt du manque de préparation de l’entreprise. Il n’y avait pas de casernement prévu ; lorsqu’on voulut construire un village, les matériaux manquaient. Les Sénégalais affectionnent la case ronde en pisé, couverte en palmes d’un toit conique, mais le pays ne donnait pas de bois de charpente, et les palmiers sont, dans les oasis, des arbres trop précieux pour qu’on les dépouille de leurs feuilles. Les branches