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de Constantin VI et d’Irène ; puis, après un retour offensif qui fut éphémère (813-842), l’église grecque la condamna d’une manière définitive. Mais si la doctrine théologique des iconoclastes fut ainsi ruinée sans espoir de retour, il s’en faut de beaucoup que la révolution artistique tentée par eux n’ait laissé aucune trace. En architecture par exemple, c’est à cette époque qu’à la coupole sur pendentifs succède dans les églises le dôme persan supporté par des trompes d’angle. Mais si nous nous en tenons au domaine de la sculpture, nous constatons des changemens profonds. Et d’abord la statuaire disparaît pour toujours de l’art byzantin : Irène et Constantin VI paraissent être les derniers souverains qui aient orné les places publiques de leurs effigies. La célèbre statue du Christ qui surmontait la Porte de Chalcé au Palais Impérial avait été détruite par ordre de Léon l’Isaurien ; lorsque Irène eut restauré le culte des images, elle fit rétablir à cet endroit une image du Christ, mais qui fut exécutée en mosaïque[1]. Il n’est plus désormais de statue qu’on puisse attribuer à l’art byzantin.

Trois procédés techniques sont usités désormais dans la sculpture byzantine jusqu’au XVe siècle. Le seul qui se rattache aux traditions helléniques est celui de la sculpture en méplat ; malgré la faiblesse de son relief cette sculpture fait encore une certaine place au modelé qu’indiquent soit de simples traits, soit de faibles ressauts. Il y a de grands rapports entre ce travail et celui de l’ivoirier : en fait, beaucoup de ces icônes de pierre, telles que les admirables archanges de la façade de Saint-Marc de Venise, par exemple, ressemblent à des agrandissemens de certaines feuilles de triptyques du XIe siècle.

Une autre catégorie de monumens s’éloigne au contraire franchement des traditions antiques : on y trouve, reproduits sur le marbre et la pierre, les motifs des étoffes précieuses et les dessins de la passementerie qui tenaient une place si importante dans le mobilier civil et religieux. Ce ne sont pas seulement les sujets qui décoraient ces étoffes, animaux affrontés ou adossés, palmettes stylisées, mais jusqu’à leurs détails techniques, jusqu’aux points de broderie qui sont copiés minutieusement. L’engouement pour ces étoffes orientales était tel que l’on allait jusqu’à figurer sur des panneaux de marbre destinés

  1. Banduri, I, p. 9.