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d’autre Dieu qu’Allah ! » Cette œuvre relève évidemment de la même inspiration que le bas-relief aux lions du musée d’Athènes.

Le fait qui domine toute l’histoire de la sculpture médiévale est donc la substitution au modelage de procédés susceptibles de donner l’illusion du relief. L’aversion pour le naturalisme, la prédilection pour les motifs irréels, le parti pris de « styliser » la nature et de réduire les formes végétales ou animales, et même la figure humaine, à la régularité et à la symétrie, tels sont les principes que l’on trouve appliqués au même moment dans les édifices byzantins, dans les mosquées arabes et dans les églises romanes. Et pourtant, malgré ces élémens communs, le développement de ces trois formes d’art fut différent. L’art musulman n’a cessé de restreindre au minimum le rôle de la sculpture et de la figure humaine. L’art byzantin a dû, au contraire, à la victoire des images la conservation d’élémens helléniques. Enfin dans l’art occidental où ces méthodes de sculpture, importées d’Orient, avaient d’abord trouvé un terrain favorable, une révolution s’est accomplie au XIIe siècle : à côté de la sculpture décorative exécutée suivant les principes de l’Orient, le modelage a reparu et des écoles de statuaire se sont formées. Quelles sont les causes directes de cet événement ? Tel est le second terme du problème que nous avons à examiner.


III

L’art occidental de l’époque barbare vécut presque exclusivement d’importations et d’imitations. Ce n’est pas trop de dire que, du VIe au Xe siècle, le plagiat et la copie du modèle antique ou oriental forment l’unique méthode de travail. La sculpture subit donc la même évolution qu’en Orient : elle atteint même sur certains sarcophages mérovingiens, où les sujets sont simplement gravés au trait, les limites extrêmes de la barbarie. La statuaire ne pouvait donc trouver aucune place dans un pareil milieu et le rôle même de la sculpture se restreignit de plus en plus. Dans le chapitre de son encyclopédie consacré à « l’ornementation des édifices, » Isidore de Séville énumère comme procédés de décoration les plafonds caissonnés, les revêtemens de marbre, les mosaïques, les stucs, la peinture : de statues ou même de sculptures sur pierre il n’est nullement question. Cet