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vinrent à Conques, on admirait sur la statue cette abondance de joyaux ; on racontait même qu’elle apparaissait en songe aux pèlerins pour leur réclamer leurs bracelets, leurs anneaux, leurs pendans d’oreilles, et ceux qui résistaient à ses demandes ne tardaient guère à s’en repentir.

Cette statue est bien celle qui fut vénérée en l’année 1013 par Bernard, écolier de Chartres, ainsi qu’on peut s’en rendre compte en la comparant à la description pittoresque qu’il en donne : « L’image est faite d’or le plus pur et les diverses parties de ses vêtemens sont séparées par des rangées de pierres précieuses habilement disposées. La tête offre le même mélange remarquable d’or et de gemmes. Des bracelets d’or sont suspendus à ses bras d’or ; sur un escabeau d’or reposent ses pieds en or ; la chaise sur laquelle elle est assise n’offre que pierres précieuses et or le plus pur. » La seule variante consiste dans des colombes d’or, à la place des boules de cristal qui ornent aujourd’hui les appuis du trône.

La statue actuelle de sainte Foy existait donc certainement déjà au début du XIe siècle, mais certains détails du Livre des Miracles permettent d’en faire remonter l’exécution aux temps d’Etienne, qui fut à la fois abbé de Conques et évêque de Clermont, entre 942 et 984. De plus, cette statue précieuse n’est, au témoignage même de Bernard, que le remaniement d’une statue plus ancienne ; comme d’autre part on sait qu’il faut placer vers 883 la translation des reliques de la jeune martyre d’Agen au monastère de Conques, on peut affirmer que l’idée de renfermer son chef dans une statuette date au moins des dernières années du IXe siècle.

L’enquête que l’on fit en 1878 démontra que les plaques d’or repoussé de la statue actuelle reposent sur une âme de bois qui constitue peut-être l’œuvre primitive. L’intérieur est creux et, par une ouverture pratiquée dans le dos, on a pu constater qu’il renferme encore « le crâne entier de la sainte doublé d’une plaque d’argent, quelques sachets d’étoile précieuse et de drap d’or enveloppant de nombreux fragmens de la tête et des lambeaux de tissus d’amiante imbibés du sang de la glorieuse martyre[1]. » La statue d’or de sainte Foy peut donc passer à juste titre pour la plus ancienne statue-reliquaire que l’on possède

  1. Bouillet, l’Église et le trésor de Conques, p. 37.