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Si nous en croyons Bernard d’Angers, la crainte de tout ce qui pouvait rappeler l’idolâtrie avait fait condamner en particulier l’usage des statues. On pensait même que l’effigie en relief devait être réservée exclusivement au Christ en croix. « Il paraît nuisible et absurde, dit Bernard, de modeler des statues de plâtre, de bois ou de bronze, exception faite pour celle du Seigneur crucifié. » Quant à des statues de saints, on ne saurait les souffrir en « aucune manière. »


IV

Telle est dans toute sa rigueur la doctrine qui s’est formée dans les pays du Nord pendant l’époque carolingienne, et qui règne encore sans conteste au début du XIe siècle. Les provinces du Midi, au contraire, se sont déjà engagées dans une autre voie : aux yeux de leurs théologiens le culte des reliques sert à justifier celui des statues et, grâce à cette interprétation subtile, les Méridionaux, poussés par une sorte d’instinct ethnique, ont pu satisfaire leurs goûts et retrouver le secret de la statuaire. Les textes et les monumens que l’on peut attribuer à cette époque viennent d’ailleurs confirmer le témoignage de Bernard d’Angers.

Il est d’abord remarquable que les plus anciennes statues-reliquaires, parvenues jusqu’à nous, appartiennent surtout aux provinces du Massif central et du midi de la France. Les reliques de la Vierge ayant été particulièrement recherchées, il est tout naturel que les statuettes de Vierges soient les plus répandues. Or la plupart proviennent de ces régions et elles ont entre elles un air de parenté qui ne laisse aucun doute sur la communauté de leur origine. Bien que beaucoup de ces petits monumens datent du XIIe siècle et même parfois d’un âge plus récent, elles n’en reproduisent pas moins le type traditionnel de majesté qui est celui de la statue d’or de sainte Foy.

Plusieurs de ces Vierges sont aujourd’hui dans des musées du Nord : on en trouve de beaux spécimens au Louvre et au musée de Cluny, mais leur provenance méridionale est incontestable. L’une d’elles, originaire d’une église de Brioude, appartient aujourd’hui au musée archéologique de Rouen. D’autres sont restées dans les sanctuaires de leurs montagnes où elles sont toujours l’objet d’un culte traditionnel ; des foules de pèlerins se pressent encore chaque année dans les Monts Dores autour