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d’une église, la peinture, la verrerie, les arts du métal : il est remarquable que la sculpture n’y soit même pas mentionnée.

Lorsque de saintes images étaient exposées au-dessus des autels dédiés à la Vierge ou aux saints, elles consistaient toujours en peintures ou en reliefs d’orfèvrerie. Tous les textes que nous possédons permettent d’établir une distinction fondamentale entre l’usage suivi au même moment dans les provinces du Nord et celles du Midi. Ce fut sans doute sous un bas-relief ou une peinture qu’Hincmar, archevêque de Reims (845-882), lit inscrire un distique de sa composition en l’honneur de la Vierge[1]. De même le Christ de majesté entre saint Pierre et saint Paul, placé, au début du XIe siècle, au-dessus du tombeau de*saint Vanne, par l’abbé Richard, devait être une gravure au trait ou une œuvre de métal repoussé[2].

Il est vrai que l’on trouve, dans certains sanctuaires du nord de la France et de Belgique, des statues archaïques de Vierges très vénérées qui ressemblent aux statues-reliquaires du Midi. Mais lorsqu’on étudie les légendes qui sont le point de départ de ce culte, on voit qu’elles ne remontent pas plus haut que le XIIe ou le XIIIe siècle, comme celle de Notre-Dame de Laval, près de Montbrison, que l’on croit avoir été rapportée d’Orient par saint Louis, ou celle de Notre-Dame de Liesse (arrondissement de Laon), venue aussi de Syrie en 1134. Quant à la célèbre statue de Chartres, détruite en 1793, et qui passait pour avoir été taillée par les druides dans un tronc d’arbre, il est évident que sa légende même exclut l’hypothèse d’une statue-reliquaire, bien que le type qui nous en a été conservé soit bien celui d’une Vierge de majesté. Il est bon d’ailleurs de remarquer que l’étonnement témoigné par Bernard, écolier de Chartres, en 1013 devant les statues méridionales, rend l’existence de cette madone au XIe siècle fort douteuse. Si elle eût été alors à Chartres l’objet d’un culte, on ne s’expliquerait pas que Bernard n’eut pas eu l’idée de la rapprocher des œuvres analogues du Midi. Bien plus, l’existence à Chartres de reliques insignes de la Vierge et en particulier du fameux « Voile » est certaine depuis la fin du IXe siècle ; or, jusqu’à la Révolution, ce voile fut toujours conservé dans une châsse, et c’est devant cette châsse, et non devant la statue qu’ont lieu les faits racontés dans les anciens

  1. Flodoard, Patrologie latine, t. 135, 144.
  2. Monumenta Germaniæ. Scriptores, VIII, 373-375.