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rang desquels nous placerons M. Bordas, membre du Conseil supérieur d’hygiène de France, critiquent vivement ce tour de main. La teinte foncée de la décoction de cacao alcalinisé donne la fausse illusion d’une richesse supérieure, ce qui est malhonnête ; de plus, le prix du cacao surpassant du décuple celui de la potasse, l’introduction de celle-ci, même à petite dose, entraine un bénéfice illicite non négligeable, d’autant que le cacao, ainsi traité, attire l’humidité de l’air et gagne encore en poids. Enfin le carbonate de potasse, indéniablement, est toxique.

Les fabricans hollando-belges et divers industriels français ont répliqué avec énergie. S’il faut les écouter, les cacaos alcalinisés se digèrent mieux que les cacaos purs ; s’ils ne sont pas « solubles » au sens chimique du mot, ils s’émulsionnent mieux, au grand bonheur des cuisinières. Quant à la dose d’alcali supplémentaire introduite, elle ne peut pas plus nuire à la santé des plus actifs consommateurs de cacaos que le fait de manger un petit pain ou de boire une demi-bouteille de bordeaux, puisqu’il y a de la potasse dans le pain et le vin. Au contraire, l’alcalinisation permet d’expulser une forte proportion de matière grasse sans goût ni parfum et de concentrer davantage les principes nourrissans azotés.

Mais alors, a répliqué M. Bordas, votre raisonnement rappelle celui du laitier qui écrème et mouille son lait par humanité, sous prétexte que les matières grasses sont lourdes à l’estomac ! Malgré le talent et l’énergie des prôneurs des cacaos étrangers, la majorité des hygiénistes de France s’est rangée à l’avis opposé, et, conformément aux décisions de la Commission supérieure ; d’hygiène, le gouvernement a déclaré que seuls les cacaos traités sans alcalis méritaient l’épithète de « purs. » Il est d’ailleurs permis de livrer des cacaos « solubilisés » au carbonate de potasse, pourvu que la proportion de cet ingrédient ne dépasse pas 5 gr. 75 pour 100 grammes de marchandise sèche et dégraissée. La dénomination « soluble, » qui risque de produire dans l’zprit de l’acheteur une fâcheuse confusion, est interdite. Encore faut-il que l’addition de potasse carbonatée reste inférieure au pouvoir nettement acide du cacao naturel que, dans aucun cas, on ne saurait transformer en produit alcalin.

Qu’est-ce que le chocolat ? Personne n’ignore qu’on le définit « un mélange de cacao et de sucre. » Mais comme le sucre