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lors, il n’était plus possible de ne pas préciser les conditions dans lesquelles les forces maritimes des deux puissances alliées devraient f éventuellement combiner leur action. Une convention a été faite pour cela, d’autres le seront plus tard. Les états-majors des armées de terre en ont déjà fait plusieurs, poussés par la nécessité de les modifier pour les mettre et remettre au point à mesure que se développaient les forces de la Triple-Alliance. Rien de plus naturel, nous dirons même de plus banal. La convention navale n’a pas une autre portée que les conventions militaires antérieures ; elle ne doit pas éveiller d’autres préoccupations.

Tout cela sans doute est combiné en vue de la guerre possible, mais n’a ni de près ni de loin pour but de la provoquer. L’alliance franco-russe a fait ses preuves : personne aujourd’hui ne peut douter qu’elle ne soit pacifique. La récente convention navale en est une conséquence nécessaire ; elle ne la modifie pas, elle ne la renouvelle pas, elle ne l’étend même pas, comme on l’a dit inexactement. — Soit, répliquent les journaux allemands ; mais la flotte russe n’est pas encore construite, elle ne le sera que dans trois ou quatre ans ; la nécessité invoquée n’avait donc aucun caractère d’urgence, et il y a une intention qui ne nous échappe pas dans le fait d’avoir choisi par anticipation le moment actuel et la veille du voyage de M. Poincaré pour conclure la convention et la divulguer. — A cela il n’y a rien à répondre, sinon que, si la France et la Russie s’engagent pour l’avenir, c’est qu’elles considèrent que leur alliance est faite pour durer longtemps.

Nous reconnaissons d’ailleurs volontiers que, à quelques exceptions près, la presse allemande a gardé son sang-froid devant la convention franco-russe ; mais il s’en faut de beaucoup qu’elle ait fait de même devant les développemens annoncés comme prochains de la flotte britannique. Le discours récent que M. Winston Churchill a prononcé à la Chambre des Communes a provoqué dans toute l’Allemagne un long frémissement : l’impression n’en est pas encore apaisée et probablement même elle ne le sera pas de sitôt, car, bon gré mal gré, l’opposition navale de l’Angleterre et de l’Allemagne est destinée à grandir au lieu de s’atténuer : il y a là un fait historique avec lequel les deux nations seront aux prises pendant une longue suite d’années et auquel l’Europe ne peut pas rester indifférente. Qu’il en résulte un danger, nul ne le contestera. Si ce danger est écarté ou ajourné, c’est que les deux gouvernemens ont le sentiment très net de l’immense responsabilité qui pèse sur eux et qu’ils sont très sincèrement, très