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plus anciennes peintures japonaises connues qui remontent au début du VIIe siècle.

II


Grâce aux efforts de plusieurs souverains convertisseurs et du célèbre prince Shôtoku Taishi (572-621), le Bouddhisme s’était solidement établi au Japon, si bien qu’à la fin du VIe siècle, on comptait déjà plus de quarante temples dans ce pays. Il fallut les décorer, et on fit largement appel aux Coréens et aux artistes japonais formés par ces derniers. Alors s’ouvrit la première période de l’histoire de l’art japonais, celle dite sino-coréenne ou de l’impératrice Suiko (552 à 644).

Par une insigne bonne fortune, un des plus anciens sanctuaires japonais, le temple de Horyûji bâti entre 593 et 607 dans un site magnifique des environs de Nara a, jusqu’à nos jours, résisté aux ravages des incendies et des guerres civiles. Dans un de ses édifices, on peut encore admirer le tabernacle tamamushi qui appartint à l’impératrice Suiko. Ce reliquaire en forme de pagode dont le Kokka a donné d’excellentes photographies (n° 182, juillet 1905) comprend trois parties : le daizu ou base, le sumiza ou trône et le kyûden (sanctuaire). Les portes doubles du sanctuaire sont décorées de Bodhisattvas, aux longues écharpes flottantes pleines d’élégance. Sur les quatre panneaux du « trône, » des peintures religieuses exécutées en mitsuda (siccatif obtenu en faisant bouillir de la litharge avec de l’huile), de couleur jaune et rouge sur fond noir, représentent : une adoration des restes du Bouddha par deux personnages symétriquement accroupis sur des piédestaux, de chaque côté d’un reliquaire ; — les trois phases de la légende d’un prêtre qui s’élança du haut d’un rocher pour donner son corps en offrande à un tigre, en vue de se libérer de toute préoccupation charnelle ; — la matérialisation des quatre volontés dernières du Bouddha ; — et enfin, la silhouette étrange du mont Sumi (Sumirù). Suivant certaines traditions, le tabernacle serait originaire de l’Inde. Il est certain que les dessins floraux sont nettement indo-grecs et aussi le déhanchement légèrement marqué des Boddhisattvas ornant les portes du sanctuaire et la courbe gracieuse donnée au corps du saint qui se jette dans le repaire du fauve.