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puissance impériale, la seconde voit, au contraire, l’accession au pouvoir de la famille Fujiwara dont les membres visèrent au rôle de maires du palais. Au point de vue particulier de l’histoire de la peinture, il semble plus exact de distinguer les deux périodes suivantes qui formèrent comme deux nouveaux anneaux de la longue chaîne à laquelle on peut comparer le développement de la peinture japonaise : de 794 jusque vers 950, apogée des écoles bouddhiques et lente assimilation des idées étrangères : de 950 à 1167, transformation complète de ces dernières par le génie national et naissance véritable de l’art laïque.

Le règne de Kwammu Ier est illuminé de la gloire qu’il acquit en restaurant le gouvernement et en imprimant aux beaux-arts une impulsion nouvelle. La peinture prit sa revanche sur la sculpture en regagnant le temps perdu durant l’époque précédente. Elle utilisa pleinement les idées artistiques de l’apogée des Tang et rajeunit son inspiration religieuse aux sources des doctrines bouddhiques Tendai et Shingon introduites la première par le prêtre Saigyô (Dengyô Daishi) et la seconde par Kukai (Kôbô Daishi). Cette période religieuse est celle de la foi mystique. La doctrine ésotérique prêchée appartenait, comme celle des autres sectes japonaises au Mahâyana, ou « grand véhicule, » école datant du concile tenu à Djâlandhara sous le règne de Kanichka au milieu du premier siècle de notre ère. Il est indispensable de l’analyser rapidement pour comprendre la portée des images religieuses de l’époque de Heian. Elle reconnaissait des Bouddhas éternels n’ayant jamais passé par la condition humaine (Dhyani Bouddhas), des Dhyani Bodhisattvas chargés de la direction et de la protection du monde et des Bouddhas humains dont le principal était Sakya Muni en sa qualité d’ « envoyé du Bouddha éternel. » Mais les sectes précédentes reconnaissaient pour principal Dhyani Bouddha Amida, tandis que celles de Shingon et de Tendai donnent la première place à Dai nichi Nyôrai (Vairocana), intelligence suprême dont toutes les autres divinités, Amida, par exemple, ne sont que des transformations secondaires. Au-dessus de Dainichi Nyôrai trônent les Bodhisattvas Fugen, « celui qui répand la sagesse, » représenté généralement sur un éléphant et le bon Kwannon, dieu de la charité, puis enfin Sakya Muni.

Une place à part doit être faite aux Myô-o, « grands rois lumineux, » personnifiant les instincts violens opposés à l’intelli-