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ment national avant d’être à même de s’assimiler de nouvelles notions.

Politiquement, l’époque des Fujiwara est marquée par un affaiblissement de la puissance impériale. Le Japon n’était pas encore mûr pour la centralisation, et de longues luttes féodales allaient encore être nécessaires pour faire disparaître les multiples barrières intérieures du pays. Ayant perdu tout esprit guerrier, les Mikados du Xe siècle se placèrent sous la tutelle de la famille Fujiwara. Leur pouvoir devint rapidement nominal. Ils vécurent confinés dans leur palais de Kyoto entourés du respect qui se rattachait à l’idée de leur origine divine, se retirant même très souvent plus complètement du monde en entrant en religion. De 823 à 1338, sur 43 empereurs, 23 abdiquèrent et 3 furent déposés. La cour impériale, le Gôshô, soumise aux influences féminines, menait une existence toute de dilettantisme, se complaisant dans les tournois poétiques et les fêtes où se déployait un faste extraordinaire. Les mœurs y étaient très légères, mais l’étiquette extérieure fort sévère. Les Fujiwara, dont la suprématie datait de l’année 888 où ils avaient obtenu la charge héréditaire de Kambaku, ne tardèrent pas eux-mêmes à subir l’influence déprimante du milieu et se lassèrent d’exercer le pouvoir, confiant l’administration à des sous-ordres et préparant ainsi leur propre perte. La corruption des mœurs devint générale.

Il n’était pas jusqu’au bouddhisme qui ne se fût modifié. Poussé par le désir des honneurs, le clergé était peu à peu tombé sous la domination de l’aristocratie. En se faisant l’instrument de la puissance d’une caste, il perdit beaucoup de sa dignité. Un tel état de choses devait avoir fatalement sa répercussion sur l’art religieux : l’idéal étant moins élevé, les œuvres perdirent beaucoup de leur majesté. On s’attacha surtout désormais à peindre de « beaux dieux, » et la forme tua l’esprit. L’époque précédente s’était efforcée d’individualiser les divinités par l’attitude générale, les particularités physiques et l’habillement. Les détails extérieurs absorbèrent bientôt toute l’attention de l’artiste aux dépens de la puissance de la conception.

Le prêtre Eshin (genshin) (942 à 1017), d’abord disciple de Jitsuye Sôjô, tenta de sauver la religion en la rendant plus compréhensible aux foules. Il se retira au monastère Eshin-in sur le mont Hiei et y composa plus de soixante-dix ouvrages de