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théologie, fruits de ses longues méditations. Le plus célèbre de ceux-ci fut le Wôyô-Yôshû, terminé en 983. Il fixa pour but aux fidèles l’accession au Gokuraku Jôdô, dont il décrit les merveilles en ces termes :

« La région surnaturelle du Jôdô est entourée d’un sextuple rempart, d’une sextuple rangée d’arbres et d’une sextuple grille. A l’intérieur est le lac des sept pierres précieuses dans lequel coule l’eau des huit vertus. Près de là se trouvent des maisons faites d’or, d’argent et de joyaux. Nuit et jour des oiseaux de tout genre se joignent en chœur pour charmer les oreilles des habitans. Fréquemment des brises rafraîchissantes glissent sous les arbres. En vérité, tout dans ces lieux divins est plein de beauté et d’élégance. » Ce paradis n’est autre que celui de Soukhavati. Pour y parvenir, il est nécessaire d’implorer sans cesse Amida. Ce dieu compatissant est d’ailleurs sans cesse occupé à sa mission de salut aidé de ses acolytes Kwannon et Seishi et suivi de vingt-trois autres Bosatsu. Le paradis de la doctrine Jôdô veut symboliser le monde idéal de la nature dont Amida est l’esprit. Le Sûtra qui porte le nom d’Amida Kyô admire les beautés de cette nature au lieu de vénérer des idées personnifiées comme le faisaient les écrits des sectes mystiques. Par ces conceptions gracieuses l’art bouddhique se trouva entièrement renouvelé ; la nature y fut introduite. Le sourire du Bouddha contemplant la terre se fit plus doux : ce fut un Nouveau Testament de miséricorde succédant à l’Ancien de terreur. Mais le pinceau était plus apte que le ciseau à rendre les grandes scènes du Jôdô. La peinture prit donc une importance encore plus grande que dans la période précédente. En outre, dans la voie ouverte par Eshin, le génie japonais, tout imprégné d’amour de la nature et très apte à une observation perspicace, trouva à s’employer de façon merveilleuse. Il fit descendre les dieux sur la terre en les peignant sous les traits de « beaux hommes. » Les artistes tinrent à réaliser des conceptions harmonieuses, susceptibles de matérialiser le bel ordre de l’univers. Enfin, l’introduction des paysages dans la peinture bouddhique créa des œuvres intermédiaires entre celles d’inspiration purement religieuse et celles uniquement laïques.

Le Sôzu (évêque) Eshin ne se contenta pas d’élaborer une doctrine, il voulut fournir des exemples. De là d’admirables peintures qui sont la gloire de la deuxième moitié du Xe siècle