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la bonne trempe acquise par les caractères se reflétèrent dans les œuvres des maîtres géniaux que furent Mitsunaga et Keion Sumiyoshi.

La période durant laquelle travaillèrent ceux-ci, la plus glorieuse à bien des titres dans l’histoire du ye-makimono, commence vers 1180 et dure une cinquantaine d’années. Les peintres portent alors toute leur attention sur les personnages qu’ils veulent rendre vivans, tandis que le paysage ne joue qu’un rôle secondaire. En revanche, à partir de la fin du XIIIe siècle, ce dernier fait de grands progrès et devient la partie la plus intéressante des ye-makimonos. Il faut voir dans cette évolution le jeu d’un facteur nouveau : à la fin de l’époque de Kamakura, l’influence chinoise Song vient heureusement rénover des genres prêts de tomber en décadence. Depuis bientôt un siècle, elle a d’ailleurs commencé à agir sur l’art bouddhique des Takuma transformant de façon très sensible les conceptions religieuses de l’ère Fujiwara. Elle s’attaque ensuite au genre du portrait et imprègne tout ce qu’elle touche d’un caractère tout à la fois plus réaliste et plus simple. Telle est sommairement esquissée la physionomie de la grande époque artistique que nous allons étudier.

Fujiwara Mitsunaga était le petit-fils de Takayoshi. Ses traditions de famille le rattachaient donc à l’école nationale de Kasuga. Son talent est, en effet, purement japonais. Mais il sut modifier les idées de ses ancêtres en les développant dans le sens de la vie et du mouvement. En ce sens, les œuvres de Toba Sôjô ont dû influer fortement sur sa formation. Les auteurs japonais rapportent que, dès 1173, il travailla au palais impérial à décorer les shôji (cloisons mobiles) de la salle du Shishinden réservée à certaines cérémonies solennelles. Ce ne sont pourtant pas ses œuvres de jeunesse, mais bien l’illustration des makimonos qui lui ont valu d’être considéré comme le plus grand peintre de Yamato-e du Japon. Il fut, en effet, le premier à savoir utiliser complètement la largeur du makimono pour y grouper de nombreux personnages en des scènes débordantes de vie. Ce sont les foules en délire de ses « Aventures de Ban Dainagon » (collection du comte Tadamichi Sakai) ou les diableries de son Yamai zoshi (Kokka, n° 210) qu’un Bosch ou un Callot n’auraient pas désavouées. Dans le premier de ces makimonos existe une page admirable où l’artiste nous montre un rassemblement