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populaire assistant impuissant à l’incendie qui consume l’escalier du palais impérial. Il sait nous faire sentir tout à la fois l’arrêt de l’élan de la foule vers la demeure de l’Empereur et la panique qui commence à la gagner. Le coloris est assez sobre : des tons neutres sur lesquels ressortent les vêtemens bleu, rouge, orange ou jaune. Des flammèches d’un rouge vif viennent tomber au milieu du peuple poursuivi par de gros nuages d’une fumée noire. Le dessin très nerveux témoigne d’une admirable sûreté de pinceau (Kokka, n° 192, juillet 1905). En revanche, le paysage est indiqué de façon fort sommaire, consistant souvent en montagnes aux contours indécis se confondant avec les nuages. Aux arbres et aux habitations du premier plan, Mitsunaga donne beaucoup plus d’importance. Il se conforme d’ailleurs en cela aux traditions léguées par les époques précédentes.

Si nous revenons, à ce propos, quelque peu en arrière, nous trouvons déjà un embryon de paysage, bien naïf et bien primitif, il est vrai, dans le Kwakogenzai-ingwa-Kyô de l’époque de Nara (710-794). Puis la doctrine Jôdô, au Xe siècle, adjoint les scènes de la nature aux images divines. Une autre étape intermédiaire est ensuite marquée par les peintures de ces grands paravens employés dès l’époque des Fujiwara dans certaines cérémonies religieuses et portant le nom de Senzui Byôbu. Dans ces derniers, les élémens Tang sont déjà en voie de pleine transformation. Ce ne sont plus les hautes montagnes de la Chine, mais bien les plaines ondulées ou les collines des environs de Kyôto et de Nara que le peintre veut y représenter. De grands cours d’eau paisibles y déroulent leurs méandres ; de beaux arbres et des maisons aux intérieurs très souvent entrevus par de larges baies, viennent encore égayer l’ensemble. Les Senzui Byôbu parvenus jusqu’à nous ne paraissent guère antérieurs à la fin du XIIe siècle, les plus connus étant ceux du Tôji (Kokka, n° 187, décembre 1905) et du Jingôgi (Kokka, n° 256, septembre 1911). On y remarque souvent un certain impressionnisme très caractéristique du génie japonais, celui-là même que les Koêtsu et les Kôrin intensifieront cinq siècles plus tard. Les contours des montagnes sont renforcés par une large bande ombrée bleue ou verte. C’est là la technique dite Mosenhô (littéralement : règle de l’exécution des contours) évidemment artificielle, mais produisant un effet décoratif très particulier.

Il restait à animer ces paysages en y introduisant de grandes