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LA VALLÉE BLEUE[1]


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DERNIÈRE PARTIE[2]
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VII. — LA FUGUE


Assise près de la fenêtre qui donnait sur l’avenue de la gare, Marthe Baroney attendait son mari.

Marthe avait changé de silhouette. Maxime l’avait aisément décidée à modifier la forme de son chignon. A la sage coiffure de jadis, cheveux relevés sur le front et bouffans, avait succédé un énorme chignon à la grecque, avec bouclettes couronnant la grosse torsade circulaire et brune qu’éclairaient par endroits de petits nœuds de satin rose. Sous ce gracieux échafaudage, on voyait d’abord ses yeux, plus vifs, et ses joues un peu creusées.

Ses doigts, machinalement, maniaient un petit ouvrage de laine blanche qui n’avançait guère.

Il y avait plus de trois heures qu’elle guettait à la fenêtre, dans un état nerveux qu’expliquait l’épaississement de sa taille… Elle regardait tantôt à droite, vers la ville, tantôt à gauche, vers la gare. Il était cinq heures ; la nuit approchait. Il pleuvait. Il pleuvait, du reste, depuis huit jours, une vilaine pluie qui glaçait rien qu’à la contempler à travers les vitres… Et quelle boue sur l’avenue ! On venait d’allumer un bec de gaz en face de la maison, et ce n’était partout que reflets, sur la chaussée, sur les parapluies des passans, sur les capes noires des paysannes et là-bas sur l’échine maigre de ce chien qui court… Pourquoi

  1. Copyright by Jacques des Gachons, 1912.
  2. Voyez la Revue des 1er et 15 août et du 1er septembre.