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textes célèbres de l’Épître aux Romains ou de l’Épitre aux Galates sur la justification et sur la foi. Sur ces définitions, il concentre son esprit, comme l’Écriture. « Le Christ dans l’Évangile, écrira-t-il en 1519, ne demande que la foi… Je voudrais que le mot de mérite ne figurât pas dans l’Écriture à cause de l’abus qu’on en fait. » Que lui oppose-t-on des textes contraires ? En voulant concilier saint Paul avec lui-même, Lefèvre a affaibli le sens de sa doctrine. Ses adversaires rappellent l’épitre de Jacques sur les œuvres. Soit ! Mais « le style de l’apôtre est au-dessous de la majesté apostolique. » « Épître de paille, » dira-t-il plus tard. C’est qu’il cherche dans la Bible un système, non une synthèse ; il n’y regarde que les aspects que lui fait voir son propre esprit.

Procédure de théologien, qui n’en ruine pas moins l’unité harmonique et la complexité de la spéculation. Prenons garde qu’elle justifie un divorce autrement grave : celui qui, de la connaissance et de la vie de la foi, va exclure tout élément humain.

Plus de procédés intellectuels dans la croyance. Seul moyen de la soustraire aux prises de la raison ! La belle formule de saint Anselme, la foi cherchant l’intelligence, l’intelligence cherchant la foi, a pu être celle de la spéculation chrétienne. Elle n’est plus celle de Luther. Admettre l’esprit humain aux conseils du mystère, n’est-ce point reconnaître ses droits à le juger ? Erreur donc de prétendre acquérir, démontrer la foi. Cette force supérieure, mystérieuse et cachée, qui nous éclaire et nous soulève est, comme la vie, hors de notre atteinte. Elle vient en nous, non par nous. Raisonnemens et systèmes ne nous donneront, ne nous prouveront jamais sa vertu indéfinissable. « Il n’est pas dans le pouvoir de l’homme de croire en Dieu. » Dieu seul parle à qui il veut, illumine qui lui plaît, se cachant aux savans et se révélant aux simples. La foi s’impose à l’intelligence « comme ces vérités mathématiques » dont l’évidence ne se démontre ni ne se conteste. Toute autre croyance que cette foi « infuse » n’est rien, et « n’opère que le mal. » — Erreur de vouloir, rationnellement, dépasser ou étendre les données de la foi. Les théologiens ont, depuis quatre cents ans, « aristotélisé » l’Église. Mais le dogme ne peut être que la formule authentique et littérale de la parole de Dieu. Toute pensée qui sonde l’insondable, toute synthèse qui, sous couleur d’harmoniser, systématise, usurpe et déforme. Partant, il faut