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péchés, et sa « courte déclaration sur les dix commandemens : » en 1519, son commentaire sur l’oraison dominicale. On peut dire que la traduction allemande de la Bible fut son œuvre préférée et demeure son œuvre maîtresse. L’éducation morale des enfans comme celle des pauvres gens l’attire. Rendre l’Évangile au peuple, pour ramener le peuple à l’Évangile, voilà le dessein de sa réforme. En voilà aussi la force, le secret des enthousiasmes qu’il éveille et qui feront cortège à sa mission.

Que dit-il donc, en effet, que les petits ne puissent comprendre ? Et de quel poids eussent pesé les habitudes religieuses qu’il prétendait abattre, s’il n’avait soulevé dans l’âme populaire toutes les réserves d’idéalisme qu’elle renferme, toutes les énergies morales qui sommeillent ? Une certitude de salut, tel est le message qu’il prêche. Remarquons le sujet même de ses sermons. Point de dogme. Ce qu’il enseigne est ce qu’il médite ; la foi, la pénitence, la grâce. Point de devoirs héroïques ou impossibles. Ce qu’il recommande, c’est l’abandon total à la volonté de Dieu, comme la pratique journalière de nos devoirs d’état. Surtout, plus de crainte dans la défaillance de nos forces, puisque nous ne pouvons rien par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Dieu a exalté l’humilité et l’ignorance. Vertus de petites gens ! A eux l’Évangile, les promesses divines, la part de l’héritage. La Parole qui a renversé les valeurs de ce monde condamne les puissans. Dignités, richesses, sacerdoces, ne sont pas le royaume de Dieu. « homme ! regarde, il est près de toi. Il est en toi. » Et le sens de cette vérité, le Père lui-même « nous le donne. » « Tu es libre. » Cela, les petits, les pauvres, l’artisan dans son échoppe, le vilain sur sa glèbe, le comprennent. Ils ne le comprendront que trop quand, déformé, transposé de la vie morale dans l’ordre social, le dogme de la liberté évangélique se changera en ferment de haine, et la foi dans le Christ sauveur, en revendication du christianisme égalitaire, du communisme et du nivellement.

Et enfin, si son siècle l’écoute, c’est qu’aucune voix n’en remue à ce point les fibres. — « O Père ! toi qui es dans les cieux, nous sommes des enfans de la terre, tes fils, par toi sauvés. Prends-nous en pitié. — L’enfant honore son Père ; le serviteur, son maître. Si je suis votre Père, quel hommage me rendez-vous ? Votre maître ! Où sont vos craintes et vos respects ? — O Père ! Il n’est que trop vrai ! Hélas ! nous reconnaissons