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dans le sens d’économie domestique, — nous répondrons par la loi du 30 novembre 1892 qui, dans son article 13, permet aux médecins, aux chirurgiens, etc., de se syndiquer pour défendre leurs intérêts professionnels à l’égard de toutes personnes « autres que l’État, les départemens et les communes. » Le sens de ces deux lois est très clair. Le législateur n’a certainement voulu, en 1884, accorder le droit de se syndiquer qu’aux ouvriers de l’industrie, du commerce et de l’agriculture et à leurs patrons : ni les fonctionnaires, ni les instituteurs, ni les médecins, ni les chirurgiens, ni les représentans des professions dites libérales n’avaient cette faculté. Elle a été reconnue plus tard à quelques-uns d’entre eux, mais il a fallu pour cela une loi nouvelle, et cette.loi a eu soin de dire que les syndicats ne pourraient pas se former contre l’État, les départemens et les communes. Il y avait, dans cette législation, des garanties sérieuses : comment se fait-il quelles aient été de nul effet, ou peu s’en faut ?

On écrira plus tard l’histoire de ces lois et de leurs conséquences ; il est trop tôt pour le faire et, en tout cas, ce n’est pas dans une chronique que nous pourrions y procéder : tout ce que nous en dirons, c’est que si la loi de 1884 a démenti beaucoup des espérances qu’elle avait fait concevoir et si elle est aujourd’hui l’objet de tant de critiques, c’est parce que les gouvernemens qui se sont succédé n’ont pas tardé à se relâcher dans la surveillance continuelle qu’ils auraient dû exercer sur son exécution. Plusieurs de ses dispositions essentielles n’ont jamais été observées : précisément celles où le législateur avait mis les précautions et les garanties dont nous avons parlé. C’est peut-être une injustice envers les lois et envers ceux qui les ont faites que de les juger seulement d’après leurs conséquences ; ce critérium unique est souvent faux ; les lois ne sont pas bonnes ou mauvaises seulement en elles-mêmes et d’après leur texte, elles le sont aussi par la manière dont elles sont appliquées. Celle de 1884 n’a pas tardé à se déformer dans le milieu où elle a évolué, parce que le gouvernement qui devait tenir la main à sa stricte exécution a eu peur des ouvriers et a reculé devant leurs exigences. Bientôt aussi il a pris peur de ses fonctionnaires qui ont menacé de se mettre en grève et dont quelques-uns l’ont fait. Tous ces sentimens enfin, qui le rendaient si peu apte à la défense, se sont encore accentués et aggravés lorsqu’il s’est agi des instituteurs, considérés par lui comme une des forces du régime actuel. Entendons-nous bien : si les instituteurs étaient une des forces de la République parce qu’il est conforme au principe démocratique de répandre l’instruction le plus possible et de la donner largement.