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tronçon. La branche, pourrie, sert aujourd’hui de nid à toute une colonie de geais. L’arbre ne doit pas s’inquiéter de son rameau meurtri. La sève monte, de nouveaux rameaux poussent et, de printemps en printemps, tout l’arbre prospère. Même on dirait qu’il veut cacher sa blessure à laquelle le feuillage fait un habit décent. Je suis peut-être le seul être vivant qui connaisse ce défaut de mon cher arbre.

Madeleine devinait que son mari voulait faire allusion aux ennuis d’Étienne qui passeraient ; aux sottises de Maxime qu’on avait cachées le mieux possible aux regards des curieux et à cette tache familiale qui n’empêcherait pas les Baroney de continuer d’être de parfaits honnêtes gens… Quand elle parla à son tour, ce fut dans un langage plus direct, mais qui ne choqua point Gabriel. Car, au fond, tous les deux avaient les mêmes pensées.

— Qu’allons-nous faire des enfans pendant les noces ? Ne serait-il pas bon de les conduire chez nos cousins de Valençay ? Ils y passeraient huit jours excellens. Nos cousins seraient ravis, et les enfans aussi, très probablement.

— Oui, ma chère Madeleine, tu as raison. Protégeons nos petits. Nous ne sommes point les maîtres de l’avenir, et les desseins de la Providence sont parfois incompréhensibles ; mais notre devoir est d’agir dans le sens que nous croyons le bon. J’écrirai demain. Ils partiront lundi. Philippe seul restera avec nous ; il est assez grand pour comprendre et il convient que les enfans soient représentés au mariage de notre neveu.

Ils rentrèrent à pas lents, dans la nuit claire. Parfois d’un même mouvement, ils se retournaient pour voir la vallée dont le recueillement silencieux est si émouvant. Puis ils reprenaient leur marche, serrés l’un près de l’autre, réconfortés et sourians.

Dans le bel arbre argenté par la lune, le rossignol continuait son concert.


Jacques des Gachons.


(La dernière partie au prochain numéro.)