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auprès de lui ; mon bonheur me devient à charge parce que mon royal ami est malheureux. » Depuis qu’il est à Paris, poursuivit la princesse, il est content de pouvoir souffrir toutes sortes d’injures pour le Roi son maître, son unique ami. C’est un caractère digne d’admiration.

Si M. de Polignac avait autant d’esprit qu’il a un excellent cœur et du dévouement pour son roi, les affaires iraient bien en France.


18 février. — Il y a des royalistes qui disent qu’il n’y a plus moyen de défendre le ministère Polignac. « On s’expose trop, prétendent-ils, et si le ministère croule, nous sommes perdus dans l’opinion publique et il n’y a plus moyen de se rendre utile au Roi. » La confusion est au comble en France ; tout le monde est alarmé de la tournure que prennent les choses. Il parait que la Chambre des pairs est aussi contre le ministère ; je ne vois pas trop où M. de Polignac trouvera sa majorité. Tout le monde est curieux de l’ouverture des Chambres.


27 février. — Il y a plusieurs dames et jeunes cavaliers même, qui sont malades jusqu’à garder le lit, des suites d’un cotillon que j’ai dirigé dimanche gras chez Madame la Duchesse de Berry. Les courtisans qui ne sont plus dans l’âge de pouvoir me suivre à mes exercices et qui, cependant, ne veulent pas manquer une occasion d’être agréable à Madame, désirent bien souvent m’envoyer à tous les diables. Pour être bon courtisan à la cour de France, il faut avant tout avoir de bonnes jambes. Le pauvre Pierre d’Arenberg a tous les membres rompus, il est tout éreinté par suite de ce fameux cotillon.

Au spectacle, à la Cour, comme notre loge touche à celle du Roi, Madame, en entrant, me demanda si je vivais encore.

— Certainement, Madame, et si bien que je suis prêt à

    Daudet, que sont tirés les extraits qu’on va lire. Ils nous font assister à la chute des Bourbons de la branche ainée et aux débuts du gouvernement de Juillet, en mêlant à ces événemens quantité d’incidens mondains qui augmentent l’intérêt du récit. Il faut laisser d’ailleurs au comte Apponyi la responsabilité de ceux de ses jugemens que nous reproduisons ici sur la révolution de Juillet et sur les hommes qui l’ont faite. Partageant les opinions du monde particulier où il vivait, ses sentimens, ses préventions, ses préjugés, il relevait et notait à la hâte les bruits qui y couraient sans s’assurer toujours de leur rigoureuse exactitude ; mais, sous cette réserve, son Journal est un document historique qui, s’il a parfois besoin d’être contrôlé, est toujours attachant. — N. d. l. D.