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qu’on pouvait dire isolés : il est vrai qu’ils étaient nombreux et qu’il fallait bien reconnaître au mal un caractère pour le moins sporadique. L’éloquence officielle, notre bonne volonté aidant, nous rassurait pourtant à demi : nous ne voulions pas croire que le corps enseignant lui-même eût été atteint par l’épidémie dont un trop grand nombre d’instituteurs présentaient les symptômes manifestes ; nous ne voulons pas le croire encore ; pourtant, combien sont faibles les protestations et les explications que nous avons entendues ! À aucun moment, en aucun lieu, ne s’est élevée cette voix claire et loyale, tranchons les mots : honnête et française, qui aurait éclairé nos esprits et rassuré nos cœurs. Par amour de la lumière, on en est presque réduit à regretter les manifestations de Chambéry. Participer au « Sou du soldat » par l’intermédiaire des Bourses du travail et s’affilier à la Confédération générale du Travail, on comprend tout de suite ce que cela veut dire, et le gouvernement ne s’y est pas mépris : mais depuis, quelle obscurité !

Il serait sans doute injuste d’attribuer aux instituteurs en général les sentimens qui se sont manifestés au Congrès de la Confédération générale du Travail. La présence de M. Chalopin n’engageait que le syndicat de la Seine, et les instituteurs dont les syndicats étaient représentés à Chambéry ne sont eux-mêmes qu’une minorité du corps enseignant. Il n’en est pas moins vrai qu’un trop grand nombre d’instituteurs ont aujourd’hui les yeux tournés du côté de la Confédération générale et qu’ils en attendent le mot d’ordre : aussi les motions votées au Congrès du Havre ne sont-elles pas pour nous sans importance. Nous les avons relevées avec soin, sans en trouver aucune qui se soit prononcée contre l’antipatriotisme, l’antimilitarisme ; tout au plus, le Congrès, à la demande de M. Merrheim, a-t-il déclaré qu’il n’était pas partisan de la désertion. C’est peu ; ce n’est certainement pas assez. Nous avons, malheureusement, un document dont on ne peut pas nier l’importance et qui est déconcertant par l’inintelligence et l’inconscience dont il témoigne dans une situation qui demanderait tout le contraire. Il ne s’agit plus cette fois des syndicats d’instituteurs, mais des amicales : elles ont formé, elles aussi, une fédération, et c’est la Commission permanente de cette fédération qui a rédigé, au nom des 98 000 instituteurs qu’elle représente, un manifeste destiné à nous dire enfin d’une manière précise la pensée du corps tout entier. On sait la différence qu’il y a entre les syndicats et les amicales ; les premiers se réclament de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels, les secondes de la loi générale sur les associations de 1901. Les amicales