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sang-froid de l’adversaire Ferdinand de Brunswick. Cet autre prince, voyant dans son parti des troupes de fuyards qui ne cherchaient qu’à échapper au carnage, « quand la terre fumait de sang autour de lui, » rassemblait ses soldats dispersés, réussissait à forcer l’ennemi et arrachait aux Français, l’épée à la main, une batterie perdue.

Mais ce n’était qu’un épisode de l’action ; Hastenbeck demeure une victoire pour la France, chèrement achetée, il est vrai. Les hésitations de d’Estrées, qui l’avait crue un moment compromise, avaient obligé Maillebois, et le jeune Condé lui-même, à donner certains ordres à sa place. Déjà la confusion était dans nos troupes et le maréchal avait dû les faire reculer, lorsqu’il s’aperçut que les Anglais de Cumberland battaient spontanément en retraite. Le champ de bataille nous restait, gage de notre succès final. Condé n’y avait pas été étranger, et ce coup d’essai était pour lui plein de promesses.

Quant au maréchal d’Estrées, dont l’indécision fut blâmée à la Cour, il ne bénéficia nullement de son avantage ; car, par un effet sans doute de la méfiance que Mme de Pompadour avait eue de lui et exprimée par avance, il reçut ses lettres de rappel. Si la journée tourna définitivement en notre faveur, c’est plutôt à ses lieutenans qu’en revient le mérite.

Le lendemain, Condé rassemble ses généraux, ce qu’il appelle « son petit comité militaire, » et leur fait la critique des péripéties du combat, avec un tact et une mesure dont les plus expérimentés ne peuvent que se déclarer satisfaits. Il leur adresse ses observations, les consulte et se garde avec respect de toute censure sur la tactique du général en chef, donnant ainsi tout le premier l’exemple de la subordination. Quand le maréchal d’Estrées fut rappelé, le jeune prince, cédant à son instinct généreux, et en témoin connaisseur, rendit plus de justice peut-être au maréchal en disgrâce que les censeurs en chambre de Versailles. Il exprima publiquement, dans le camp, son regret de cette sévère mesure : souvent aussi, par la suite, il déclara que la bataille d’Hastenheck était la meilleure leçon militaire qu’il eût reçue dans sa vie.

Le duc de Richelieu, successeur de d’Estrées, personnage plus en faveur auprès de la maîtresse royale, allait ramasser les lauriers déjà moissonnés en Allemagne. Sans grands talens militaires, homme de plaisir, avide de grandeurs, grâce à l’aide