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débuts à la Cour ; notamment de la part des filles du Roi, qui avaient paru vouloir lui disputer le cœur de son époux. Le cousinage, il est vrai, excusait les assiduités du prince auprès des princesses ; malgré cela, les lettres de Mme de Condé ne laissent pas que de nous la montrer un peu jalouse.

De temps en temps la correspondance « hausse le ton. »

En échange des faits de guerre dont Condé lui espace les laconiques bulletins, sa femme le tient au courant de la politique de la Cour, et même des événemens extérieurs ; de la retraite du ministre Bernis « dont la faveur diminue, » de l’élection d’un nouveau Pape dont la sainteté la transporte. « C’est une grande grâce que Dieu nous fait dans un moment où la religion est si abandonnée. »

Après la déconfiture de M. de Clermont, elle a reçu sa visite et a été frappée du calme de son attitude. Elle ne lui a trouvé l’air ni d’un vaincu, ni d’un fuyard. « Il fait bonne contenance, parle à tout le monde et semble fort à son aise. » Elle ne lui pardonne pas d’avoir laissé son mari en sous-ordre : « On dit que c’est sa faute, si vous n’avez pas été à la tête de la cavalerie. »

A son tour, elle a de l’ambition et ne craint pas de l’exprimer : « On croit que vous avez été bien moins exposé (à Crefeld) qu’à Hastenbeck… On trouve que c’est un mauvais procédé de la part de M. de Clermont de vous avoir empêché de paraître où vous deviez être. » Elle est fière maintenant des succès du prince, elle s’y associe et lui en renvoie l’écho. « On dit mille biens de vous à Paris ; que vous êtes fort aimé à l’armée, que vous avez fait des choses admirables et donné des preuves du meilleur cœur. Vous ne sauriez croire, cher mary, le plaisir que j’ai quand j’entends chanter vos louanges. »

Voilà parler en femme à qui la gloire d’un époux n’est pas indifférente. Quel réconfort ! Quel encouragement à bien faire, pour l’homme dont la vie est toujours en péril, mais qui sent au loin, à son foyer, une pensée, une prière !

C’est le baume sur la blessure, l’appui secret dont s’étaye l’âme dans les momens de défaillance, comme la souffrance ou la misère en apporte en campagne, même au milieu de l’enivrement de la poudre ou du succès.

La suite de la correspondance nous montre la vie intime de la famille à Chantilly. La princesse entretient le père absent de ces petits enfans qu’elle élève avec tant d’amour. Elle cherche à