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par l’approche des régimens de Choiseul, de Chapt, de Flamarens et de Nicolaï, chargés à leur tour. Les Anglais plient sous le choc, dans la mêlée, et s’enfuient à toute bride. L’infanterie ennemie suit ce mouvement et se rallie derrière l’Ulzbach. La cavalerie prussienne soutient cette retraite précipitée, puis disparaît par un demi-tour à droite par quatre comme à la manœuvre, « dans une discipline superbe, » relate un des acteurs de la scène. Tous les escadrons ennemis s’engouffrent dans le ravin de l’Ulzbach et, comme ils ne peuvent le passer tous à la fois, les troupes de Condé les taillent en pièces entre Oberet Niedermerle, sous le commandement du marquis de Saint-Chamans, lieutenant général, du comte d’Houdetot, maréchal de camp, et du comte de Saint-Chamans, colonel d’infanterie.

Près de la moitié du régiment allemand de Muller fut pris et tué, son colonel fut blessé et prisonnier. Il traversa le champ de bataille, sous la conduite d’un dragon français, et dut passer à côté du cadavre de son fils, sabré dans la mêlée[1]. La troupe du marquis de Conflans prit l’étendard d’un régiment de cavalerie hanovrienne ; l’infanterie allemande mise en déroute regagna le ravin du Wetter.

Cependant le corps principal du duc de Brunswick est encore intact. Condé, avec son artillerie, foudroie ces masses impassibles, puis s’élance contre elles au pas de charge et les enfonce. Plusieurs de ses batteries placées par lui-même produisent un effet décisif.

Voyant ses troupes d’avant-garde débusquées, le Prince héréditaire, pied à terre, s’était mis à la tête de ses bataillons pour les ramener au combat. Il fut alors renversé par un coup au bas ventre, et sa chute hâta la défaite des confédérés, en les privant d’un chef habile et vaillant. « Il échappa bien heureusement à nos dragons, écrit le colonel de Tricornot. Il était dans un chariot couvert que ceux-ci dédaignèrent de prendre, parce que les chevaux leur parurent mauvais, et qu’ils préféraient courir en avant pour faire meilleure capture ; ils ne se doutaient pas quelle proie ils laissaient. »

La valeur du général de Luckner sauva seule l’infanterie ennemie qui put gagner Nuheim, poursuivie par la cavalerie de Lévis et de Stainville, soutenue dans sa retraite par sa propre

  1. Mémoires de Tricornot, loc. cit.