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philosophie du roman : elle n’a pas d’importance, elle n’est pas neuve et je ne l’aime pas. Ce que j’aime, c’est le paysage. L’auteur l’a traité, dirais-je, à l’aquarelle. Et, pour les yeux, quelle fraîcheur !

Les réalistes peignaient à l’huile et, comme ils disaient, en pleine pâte. Quelle pâte, épaisse et lourde !

M. Clauzel décrit à merveille les jardins. Il sait le nom des plantes ; voire, il abuse un peu de sa jolie science. Mais enfin le jardin de la Thébaïde est charmant, avec ses chèvrefeuilles, ses bignones aux trompes orangées, ses jasmins courant sur la balustrade d’un balcon, ses roses « grises sous la lumière moirée du soir. » D’une fenêtre de la Thébaïde, on voit : « une roseraie odorante, ébouriffée, dont les feuilles et les corolles sont teintes de nuit ; » et puis, des pentes rudes hérissées de vignobles ; enfin, le faite de la montagne, très net sur le ciel et que « la lune approchante inonde d’un azur faible et doux. » De place en place, sur le coteau, des maisons « révèlent leur présence par leurs carreaux roux de lumière. »

Dans ce paysage, M. Clauzel a placé un drame d’âmes. Et, les âmes, il les a traitées comme le paysage. Il les a peintes avec une gracieuse légèreté. Seulement ce sont des âmes, quelques-unes, terribles. Ainsi, Mme d’Amancey, dont la dureté nous effraye, nous éloigne et qui, autrement peinte, ressemblerait au vieux comte de Chateaubriand des Mémoires d’Outre-Tombe. L’art de M. Clauzel convient beaucoup mieux à des âmes plus douces, à des âmes de jeunes filles, — et fussent-elles un peu folles, — à des âmes que l’extrême raffinement laisse ingénues, et encore à l’âme de ce calme mari, arboriculteur passionné, qui règne dans son verger, non dans son ménage.

L’aquarelle a des ressources précieuses, mais limitées. C’est dommage qu’ayant choisi cette matière, M. Clauzel n’ait pas renoncé, parfois, à des violences et à des complications qui demandaient un autre métier.

Après cet aquarelliste, voici un impressionniste : M. René Perrout. « Ce petit livre n’est pas un roman, » dit-il dans la préface de Marius Pilgrin. Qu’est-ce donc ? Il a mis, en sous-titre : « Idées de province. »

M. René Perrout mérite le nom d’impressionniste : son amour de la vérité l’empêche de la composer. Il lui serait pénible de l’arranger, autrement qu’il la connaît, au gré d’une fiction. Et il y a cependant, à la fin du livre, l’esquisse d’une fiction ; mais l’intérêt du livre n’est pas là.

L’intérêt du livre, c’est l’évidente réalité d’une petite ville provinciale (Epinal), décrite ? non, mais évoquée vingt fois, et vingt fois