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demande, l’obtiendra-t-on de leur prétendu désintéressement ? Et la Bulgarie ? De tous les pays balkaniques, c’est celui qui a conçu les plus grands projets, les plus vastes espérances aussi et qui a fait le plus pour les réaliser. Elle a su créer l’instrument de sa politique, elle en a usé avec une véritable maîtrise. Son ambition est très grande, si grande qu’elle ne la réalisera pas tout entière du premier coup et elle le sait bien ; mais elle entend en réaliser une partie et ne renonce pas au reste. Qui pourrait avec succès lui enjoindre de rentrer dans ses frontières de la veille et de se contenter de réformes pour ses frères de Macédoine ? Si on voulait en venir là, quand même et, quoi qu’il arrivât, il fallait empêcher à tout prix la guerre d’éclater : c’était plus facile que d’en empêcher maintenant les conséquences. Mais il aurait fallu pour cela autre chose qu’une pression purement diplomatique exercée à la fois à Constantinople et dans les capitales balkaniques.

Si on n’a pas fait plus, c’est sans doute parce qu’on a eu l’intuition, et on n’a pas eu tort de l’avoir, que l’entente de l’Europe ne résisterait pas à cette épreuve : résisterait-elle davantage à celle qu’on lui imposerait demain si on entendait priver les États balkaniques de toutes leurs conquêtes ? Les puissances se diviseraient immanquablement ; les États balkaniques trouveraient des protecteurs parmi elles. A supposer même que les gouvernemens voulussent tous rester fidèles aux notifications qu’ils avaient faites avant la guerre, l’opinion ne le permettrait pas à certains d’entre eux. Nous avons déjà assisté plusieurs fois à des entraînemens, à des explosions que les gouvernemens ont été impuissans à refréner : ils ont été entraînés, ils ont suivi. Pour maintenir le statu quo balkanique, il aurait fallu, — disons, si l’on veut, qu’il faudrait la victoire ottomane, puisque, malgré les premiers échecs, elle peut encore se produire : les victoires balkaniques ont renversé comme des châteaux de cartes les constructions antérieures de la diplomatie. Le moment est venu d’en inventer d’autres et nous souhaitons qu’elles ne soient pas improvisées comme l’avaient été les premières. M. Poincaré a prononcé le 27 octobre, à Nantes, un discours sur lequel nous reviendrons dans un moment. Parmi les choses excellentes qui y abondent, il en est une qui mérite particulièrement d’être retenue. « Nous avons la satisfaction de constater, a-t-il dit, que l’initiative pacifique prise par la France, en plein accord avec ses amis et ses alliés, a été comprise et approuvée dans toutes les chancelleries. Elle a eu pour premier résultat des échanges de vues qui se poursuivent quotidiennement entre les Puissances, qui leur permettent d’exercer sur la marche des événemens