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déjà fait allusion et qui a réuni l’unanimité de l’opinion française.

On ne saurait trop déplorer que la guerre ait éclaté dans les Balkans, mais il serait encore plus fâcheux que des contre-coups préparés par la malveillance des uns et par la maladresse des autres ébranlassent les systèmes d’alliance sur lesquels repose l’équilibre général. Qu’arriverait-il si la guerre venait tout d’un coup à se généraliser et si chacun, cherchant anxieusement ses alliances, ne les retrouvait plus ? C’est contre ce péril que M. Poincare s’est élevé avec force, afin de le conjurer, et nous ne saurions trop applaudir à ses paroles qu’il vaut la peine de citer ici textuellement : « La France, a-t-il dit, est incapable d’inconstance ou d’infidélité. Nous non plus, nous ne cherchons pas à avoir des amitiés de rechange et nous croyons qu’une grande nation se doit à elle-même de montrer, dans la direction des affaires extérieures, la permanence de ses idées et la fermeté de ses desseins. Nous restons étroitement attachés à la Russie, notre alliée, et à l’Angleterre, notre amie ; nous leur restons attachés par des liens entrelacés et indestructibles : le sentiment, l’intérêt et la probité politique. Dans les graves questions que soulève la guerre d’Orient, nous aurons assurément, elles et nous, le droit d’avoir, sur les questions à étudier, nos préférences respectives ; mais, comme nous procéderons à cet examen dans un esprit de confiance entière et d’indéfectible amitié, rien ne pourra rompre une entente dont la solidité demeure nécessaire à l’équilibre européen. C’est à fortifier et à resserrer cet accord que la France s’est employée sans relâche, et s’il est arrivé qu’ici ou là une partie de l’opinion se montrât nerveuse ou impatiente, les trois gouvernemens, sûrs d’exprimer la pensée profonde et durable de leurs pays, n’ont pas cessé de collaborer dans le calme et le sang-froid. » Il était nécessaire que ces choses-là fussent dites. Le discours de M. Poincaré a été, au milieu de la confusion que les événemens ont jetée dans quelques esprits, la haute et ferme affirmation des alliances. La guerre des Balkans suscite autour de nous assez de dangers pour que nous n’en fassions pas naître encore davantage. Il se peut que, dans la suite des événemens, les vues de la Russie et celles de l’Angleterre ne soient pas toujours les mémos : nous devons nous appliquer à les concilier, comme l’Allemagne s’applique certainement à concilier celles de l’Italie et de l’Autriche, et des deux tâches, ce n’est peut-être pas la nôtre qui sera la plus malaisée.

Malgré tout, l’avenir reste obscur, et nous parlons de l’avenir auquel nous touchons. Toutes les Puissances n’ont pas notre désinté-