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superficielle, conventionnelle, où on donnerait tout le spectacle, et plusieurs autres, pour une minute d’imprévu.


Au théâtre Sarah-Bernhardt la Famille Temperley est une pièce adaptée d’un roman de Conan Doyle par M. Eugène Gugenheim. Les pièces anglaises étaient jadis des pièces où l’on prenait une infinité de tasses de thé : celle-ci est une pièce où l’on boxe. C’est une pièce historique, si j’ose m’exprimer ainsi. L’action est supposée se passer sous le règne de George IV, ce qui permet une figuration et des costumes fort agréables à regarder. L’affabulation, des plus vagues, ne sert qu’à entourer un certain nombre de séances de boxe qui sont toute la pièce. Il est question de ring, de round, de coups encaissés, de directs, etc., etc. Cela répond à ce goût des sports qui est une des marques du temps présent, et montre bien ce que pourra devenir le théâtre quand les exercices du corps auront définitivement remplacé les exercices de l’esprit.

A noter, parmi les interprètes, M. Maxudian qui dessine avec fantaisie un personnage de bookmaker, et du côté des femmes, Mlle Marie-Louise Derval, dont le talent méritait mieux que ce bout de rôle.


Au théâtre Apollo une opérette, le Soldat de chocolat, qui, par une rencontre d’actualité, nous mène chez les Serbes et chez les Bulgares, mais chez des Bulgares ridicules et des Serbes couards. — ce qui montre bien que le théâtre et la réalité ne sont pas une même chose. L’opérette, grâce à je ne sais quelle superposition, est viennoise, tout en étant anglaise. Le livret original est, si je suis bien renseigné, d’une lourdeur toute germanique en même temps que d’une âpreté bien anglo-saxonne. M. Pierre Veber en a fait une adaptation extrêmement habile et en a écarté avec tact tout ce qui aurait choqué. Je ne puis juger de la partition, me connaissant peu en musique, même en cette musique-là. Mais il y a de la gaieté, les décors sont clairs et frais, les costumes pimpans, la figuration nombreuse : le public s’est amusé, et comme ses aînés la Veuve joyeuse et le Comte de Luxembourg, le Soldat de chocolat est parti pour le succès.


RENE DOUMIC.