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messes qu’ils se sont faits. En serait-il autrement, et quand bien même l’Autriche n’aurait pas à craindre le soulèvement contre elle de tous les pays balkaniques au moment où ils sont le plus enivrés de leur victoire, il y aurait de sa part quelque chose qui révolterait sa propre générosité et étonnerait celle du monde, si elle arrêtait la Serbie dans son essor légitime après les sacrifices qu’elle vient de faire et les premiers résultats qu’elle en a obtenus. La guerre est créatrice de droits nouveaux, et il y aurait quelque chose de choquant de la part des grandes puissances, après avoir permis à ces droits de naître, d’en méconnaître le caractère et de vouloir en supprimer les effets.

Personne, sans doute, ne veut les supprimer : l’Autriche elle-même ne tend qu’à les atténuer, à les diminuer, de manière à protéger ce qu’elle regarde comme ses propres intérêts. Que la Serbie détienne une partie de la Macédoine, jusques et y compris cette ville d’Uskub, qui est assurément une acquisition de grand prix, l’Autriche n’y fait pas opposition ; et, puisque la Serbie revendique un débouché sur la mer, elle ne s’oppose pas non plus à ce qu’on le lui donne au Sud, sur la mer Egée ; son veto ne porte que sur l’Adriatique. Mais c’est malheureusement sur l’Adriatique que porte aussi l’ambition serbe. Est-ce une fantaisie de la part de la Serbie ? Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour voir que la géographie justifie sa prétention : tous les autres moyens de la réaliser auraient quelque chose d’artificiel et de provisoire. La Serbie, certes, ne manque pas de bons argumens, mais il y a des cas, et ils sont nombreux, où les meilleurs ne suffisent pas. Aussi les troupes serbes marchent-elles sur le port de Durazzo, afin de mettre l’Autriche et l’Européen présence d’un fait accompli. En même temps, des conférences ont lieu à Budapest entre l’empereur François-Joseph, le prince héritier, de hauts personnages politiques et militaires. Le gouvernement bulgare y a envoyé en mission M. Daneff, président de la Chambre des députés. Qu’en sortira-t-il ? Qui pourrait ne pas en être préoccupé ? Le bon sens serait de remettre à plus tard le règlement de cette question et de quelques autres sur lesquelles l’Europe aurait son mot à dire. Mais le bon sens l’emportera-t-il ? Nous sommes heureux de constater que les dernières nouvelles, ou les dernières impressions, sont meilleures, et qu’on parle de détente, peut-être seulement parce que le danger ne s’est pas-aggravé.

Une autre question se dresse, celle de l’Albanie : elle est d’ailleurs étroitement liée à la première. On connaît la situation de l’Albanie à