Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les fournitures d’hôpital, tout était bon… L’obscurité prévenait la réclamation publique, et l’apparence d’une convenance réciproque délivrait du joug de la reconnaissance. »

Après avoir montré le mal, l’auteur indiquait le remède, énumérait tout ce qu’il avait fait et tout ce qu’il considérait comme demeurant à faire. Il expliquait en quoi sa gestion différait de celle de ses prédécesseurs, en quoi surtout elle l’emportait sur ce qu’on faisait avant lui. Toute cette partie de son travail respire un contentement de soi qui peut provoquer le sourire. Necker s’y décerne à lui-même, ainsi qu’à son épouse, des louanges, très méritées sans doute, mais que l’on préférerait ne pas rencontrer sous sa plume. « Il chantait si bien son éloge, reconnaîtra l’un de ses plus chauds partisans, que l’on a dit qu’il avait publié d’avance son oraison funèbre[1]. » Ainsi parle Croy ; mais, après la critique, il présente aussitôt l’excuse : « Au reste, il ne tirait rien du Roi, et c’était là son vrai salaire mérité. » C’est ce qu’allègue aussi le chevalier de Pujol[2] : « Quant à moi, pourvu que la vérité y soit, je lui pardonne son égoïsme, et j’approuve fort l’éloge qu’il fait de sa femme. Il lui est bien permis de se vanter, quand il ne fait point payer d’aussi grands services, qu’une haine si opiniâtre s’efforce à décrier. »

Dans une dernière partie, et presque en appendice, se trouve comme rejeté ce qui est cependant le point essentiel du mémoire, ce qui en est, du moins, la justification et la vraie raison d’être, c’est-à-dire le compte détaillé des recettes et dépenses prévues pour l’année commençante, c’est-à-dire pour l’année 1781. Necker y évalue le total des recettes à 264 millions, le total des dépenses à 254 millions, d’où il résulte un excédent de 10 millions de livres. Présentée de la sorte, après le déficit laissé par les ministres précédens, après deux ans d’une guerre maritime fort coûteuse, la situation paraissait merveilleusement brillante. Le directeur lui-même y insistait avec orgueil : « Il n’est pas présomptueux de ma part de donner à Votre Majesté l’assurance qu’il n’y a certainement aucun souverain en Europe qui puisse montrer un pareil rapport entre ses recettes et ses dépenses ordinaires, et, en particulier, il s’en faut de beaucoup que l’état financier de l’Angleterre puisse soutenir la comparaison. »

  1. Journal du duc de Croy, année 1781.
  2. Lettre du 21 février 1781. — Loc. cit.