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Et puis l’orgue s’éloigne et puis c’est le silence.
Et la nuit terne arrive et Venus se balance
Sur une molle nue au fond des cieux obscurs :
On allume les becs de gaz le long des murs.

Baudelaire n’est pas le seul poète à qui le jeune auteur ait fait vraiment payer tribut. La manière nette, fine, curieusement pittoresque des proses romantiques d’Aloysius Bertrand, ce miniaturiste sur vélin cher à David d’Angers, se retrouve dans l’Effet de nuit, d’où se détache

… un gros de hauts pertuisaniers
En marche… et leurs fers droits, comme des fers de herse.
Luisent à contresens des lances de l’averse.

C’est Théodore de Banville qui a planté dans la mémoire de l’adolescent ces vers de la Voie lactée, du livre des Cariatides :

Et léguant devant tous leur étude profonde
À la postérité, cette voix qui féconde,
Chantèrent au soleil, harmonieux Memnons…

Ce souvenir viendra se placer, on peut le dire, machinalement dans la conclusion de l’Épilogue :

Afin qu’un jour, frappant de rayons gris et roses
Le chef-d’œuvre serein, comme un nouveau Memnon,
L’Aube-Postérité, fille des temps moroses.
Fasse dans l’air futur retentir notre nom.

C’est Hugo, avec son alliance de mots si expressive et si exacte,

Gravir le dur sentier de l’inspiration,

et c’est aussi Théophile Gautier, avec ses déclarations de principes sur la nécessité de la forme impeccable et de l’effort laborieux pour sculpter l’œuvre d’art dans une matière dure, qui prêtent leur autorité à ce Credo littéraire proclamé emphatiquement :

Ce qu’il nous faut à nous, c’est aux lueurs des lampes
La science conquise et le sommeil dompté,
C’est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,
C’est l’Obstination et c’est la Volonté.
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