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simplicité sublime. « La vérité t’enveloppera de son bouclier : tu n’auras rien à craindre des terreurs nocturnes, de la flèche qui vole dans l’air du jour, du complot qui chemine dans les ténèbres et des assauts du démon de midi. » C’est cette assurance qu’il médite, et c’est le chef-d’œuvre lyrique intitulé Via dolorosa qui traduira cette méditation.

L’œuvre est datée ainsi : « Mons, juin-juillet 1874. » Elle a occupé, abrégé les délais qu’on avait imposés aux trop fougueux désirs de cette âme repentie, avant d’admettre au banquet de l’Eucharistie une bouche qui proféra plus d’un blasphème si coupable. Enfin, le jour tant souhaité arrive, et, à la messe solennelle de la Fête de l’Assomption, Verlaine reçoit l’hostie où la prière et la bénédiction de l’officiant font descendre le corps du Christ.

Deux semaines auparavant, le poète chrétien, dans l’attente de cet instant où il s’unirait à son Dieu, composait, avec tout ce qu’il avait en lui de sentimens ardens, de vertu poétique revivifiée, celle prière pénétrée de charité, de foi et d’espérance :


Mon Dieu m’a dit : Mon fils, il faut m’aimer…


Pièce unique peut-être dans le lyrisme français et assurée d’être toujours tenue au plus haut rang parmi les témoignages immortels de la poésie religieuse.

Tout ce qu’il y a d’émoi ion et de grandeur parmi le livre de Sagesse est déjà contenu dans ces deux poèmes Via dolorosa, Final, qui couronnent le lent effort de Cellulairement. Mais si nous enlevons à ce recueil ultérieur de Sagesse d’abord ces deux ouvrages admirables, et encore cette berceuse : Un grand sommeil noir… et Gaspard Hauser chante, et l’émouvante cantilène Sur les eaux, et ces fragmens de l’Almanach pour l’année passée, difficilement oubliables : « La bise se rue… » et « L’espoir luit…, » que reste-t-il dans le volume publié en 1881 qui soit d’une valeur égale aux poèmes produits dans un irrésistible élan de résurrection morale ? Le beau symbole du début : « Bon chevalier masqué, » la paraphrase de cette plainte du Psalmiste que répétait dans un jour de détresse, comme Verlaine le poète, l’artisan Bernard Palissy : « Mon âme, qu’est-ce qui te triste ? » les douloureuses litanies où passe un souvenir des prières de l’Extrême-Onction : « Voici mon sang…. Voici mon front…