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contingences de la vie pratique et aux sommets les plus aigus de la philosophie. « Time is money » et « le temps existe-t-il ? » sont les deux formules extrêmes qui pourraient schématiser les deux aspects pareillement angoissans sous lesquels se présente la « chronométrie, » — le mot étant entendu dans son sons étymologique. De là sont nées, d’une part les mesures prises récemment par les gouvernemens pour uniformiser, simplifier et perfectionner la détermination et la conservation de l’heure, souveraine invisible des cités modernes ; de l’autre, les étranges et récentes controverses des physiciens sur la relativité du temps.

Si nous essayons de mettre on regard l’incertitude grandissante qui règne sur la nature et l’existence même du temps, et la précision sans. cesse accrue avec laquelle on le mesure, le contraste ne sera peut-être point dénué d’une certaine saveur un peu mélancolique.


LE NOUVEAU TEMPS LÉGAL DE LA FRANCE

On sait que depuis l’an passé, et on vertu de la loi, « l’heure légale en France et en Algérie est l’heure, temps moyen, de Paris, retardée de neuf minutes et vingt et une secondes, » ce qui revient à dire,, en bon français, que cette heure légale est celle du méridien de Greenwich. Si le nom du grand Observatoire britannique n’est pas énoncé dans ce texte législatif, c’est peut-être qu’en IS9S. époque où il fut voté par la Chambre, l’ « entente cordiale » ne jouissait pas encore d’une popularité incontestée ; en annonçant nettement la substitution de l’heure anglaise à la nôtre, on eût risqué de froisser certaines susceptibilités patriotiques. Et c’est ainsi qu’une solution fort élégante sortit d’une formule qui l’était peu.

Il a fallu au Sénat treize ans pour examiner et voter à son tour cette mesure dont le premier effet a été de rajeunir un peu, — au moins officiellement, — tous les Français. Cela seul suffirait à prouver qu’elle ne s’imposait point avec une impérieuse nécessité. Sans vouloir, dans une question qui a soulevé tant de polémiques, prendre parti aujourd’hui, il ne sera peut-être pas inutile de rappeler brièvement l’origine de ce nouvel état de choses, et les argumens qui militaient pour et contre. D’autant plus que la discussion du projet au Sénat a mis en évidence certains malentendus.

Le soleil dans sa course apparente de l’Est à l’Ouest passe successivement au-dessus de tous les points du globe. Si on suppose réunis les deux pôles de la Terre par ces grands cercles qu’on voit sur les