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curée. Après les premières victoires des alliés balkaniques, beaucoup d’esprits ont cru que les solutions étaient simples et qu’elles deviendraient plus faciles encore à mesure qu’on les simplifierait davantage. C’était méconnaître la marche naturelle des choses. Nous rendons au gouvernement bulgare la justice qu’il ne s’est pas laissé éblouir par les premières apparences ; il a su s’arrêter et sans doute il le saura encore. Ses victoires ont été telles qu’il doit en tirer de grands avantages et personne ne les lui disputera. Mais, s’il n’éprouve pas le besoin d’occuper Constantinople, il convient de laisser à la Porte le moyen d’y vivre et d’y conserver la forme d’un gouvernement. Pour cela, que faut-il faire ? Quelles sont les conditions territoriales à déterminer ? Jusqu’où la Bulgarie doit-elle aller ? Où doit-elle s’arrêter ? Ce n’est pas à nous de le dire. On négocie.

La Porte cherchera à faire durer la négociation, non seulement parce qu’elle l’a fait constamment à travers toute son histoire et qu’il y a là pour elle une tradition invétérée, mais aussi parce que les derniers incidens qui se sont produits en Europe sont de nature à lui faire croire qu’elle a intérêt à gagner du temps. En revanche, la Bulgarie poussera énergiquement, impérieusement, dans le sens d’une conclusion rapide. L’opinion n’est pas unanime à Constantinople sur l’opportunité d’une paix immédiate. Après l’abattement bien naturel qu’on y a éprouvé le lendemain des défaites de Kirk-Kilissé et de Lule-Bourgas, on s’est repris, faut-il dire à l’espérance ? Le mot serait sans doute exagéré, mais enfin les cœurs se sont relevés. Les Turcs font l’observation, que tout le monde fait d’ailleurs avec eux et qui est très juste, que leur armée se renforce sans cesse, tandis que celle des Bulgares reste stationnaire, ou plutôt diminue numériquement par suite des pertes qu’elle subit. Chaque jour, au contraire, plusieurs milliers d’hommes viennent d’Asie Mineure et, à peine débarqués en Europe, sont envoyés renforcer les lignes de Tchataldja. Sur ce point, incontestablement, la situation s’améliore. Enfin, s’il faut en croire les journaux, et il n’y a pas de raison pour ne pas le faire, d’assez nombreux officiers allemands apportent à la Turquie le concours de leur expérience et de la supériorité de leur instruction militaire. Cette instruction est ce qui manque le plus aux Turcs ; le général von der Goltz est fort, loin de la leur avoir donnée au degré qu’on avait cru ; son œuvre d’organisation n’a pas résisté à l’épreuve qu’elle vient de subir ; il y a eu, de ce chef, un immense déchet. Mais s’il est vrai que des officiers allemands, — à la retraite ou démissionnaires, — ont pris, du service dans l’armée ottomane, la