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au Roi ; Louis XVI, après avoir réfléchi vingt-quatre heures, le lui aurait fait reporter « par l’entremise du marquis de Castries, » chargeant ce dernier de lui dire « qu’il retenait sa lettre de démission, pour le mettre dans l’impossibilité de jamais la lui offrir de nouveau, qu’il ne voulait pas entendre parler de sa retraite, qu’il le soutiendrait envers et contre tous, etc., etc.[1]. » Il n’était pas besoin d’avoir une longue mémoire pour apprécier à leur valeur ces affirmations rassurantes.

Au commencement de mai 1781, les matières explosibles étaient si bien accumulées aux entours de l’hôtel du contrôle général, qu’il ne fallait qu’un léger choc pour en déterminer l’éclat. Comme presque toujours en tel cas, ce fut un chétif instrument qui produisit ce choc et provoqua la catastrophe. Il faut conter cette affaire en détail, car l’importance du résultat rehausse la médiocrité des moyens[2].


Quelques semaines auparavant, un certain Radix de Sainte-Foix, qui portait le titre pompeux de « surintendant des finances et bâtimens de Mgr le Comte d’Artois, » ex-agent de l’abbé Terray tout comme le sieur Cromot, et pas plus recommandable que lui[3], avait eu un vif démêlé avec le directeur général des finances. Ce dernier, en effet, en étudiant « l’état des diverses pensions payées sur la cassette royale, » avait, non sans surprise, reconnu que ledit Sainte-Foix, ayant jadis obtenu de l’abbé Terray le remboursement intégral du capital d’une pension viagère de 8 000 livres, — accordée, au surplus, sans droit ni titre valable, — continuait comme devant à toucher sa pension ; d’où résultait, pour les quatre dernières années, un total de 32 000 livres extorquées au Trésor. Bien qu’indigné d’une pareille indélicatesse, Necker se bornait

  1. Journal de Hardy, 25 et 28 avril 1781. — La Correspondance secrète publiée par Lescure mentionne le même bruit, à la même date.
  2. Voyez le Journal de Hardy, les Mémoires secrets de Bachaumont. — Voyez aussi les Finances de l’Ancien régime, par Stourm.
  3. Le sieur Radix de Sainte-Foix, d’abord trésorier de la marine, avait obtenu les bonnes grâces du Comte d’Artois en le servant dans de basses galanteries. Plus tard, trois mois après la chute de Necker, il fut impliqué dans une affaire véreuse, décrété de prise de corps, obligé de s’enfuir à Londres. Quatre ans à près, en 1785, la protection du Comte d’Artois lui valut l’annulation de cette procédure et la permission de revenir à Paris. Il y étala un luxe tapageur, se promenant par les rues « dans un cabriolet doré, avec un jockey derrière, » de l’air « d’un triomphateur sur son char de victoire. » — Mémoires secrets de Bachaumont.