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l’ambassadeur autrichien et « employa tous les moyens en son pouvoir pour lui rendre courage, » ou, tout au moins, « pour obtenir qu’il reculât l’exécution de son projet jusqu’à la fin de la guerre. »


Ces visites, ces exhortations laissèrent Necker plus hésitant, plus troublé que jamais. Il se résolut le lendemain[1]à rédiger une note, en forme de mémoire, où il établissait qu’après « le coup qui lui avait été porté, » il ne pourrait plus, à l’avenir, « se rendre utile dans son emploi, » si le Roi ne lui accordait « un témoignage public de sa faveur, » qui relèverait « le crédit perdu du ministre. » Il indiquait pour cela trois moyens : 1° de l’appeler au « Conseil d’en haut, » sans qu’il fût besoin pour cela de lui donner le titre de « ministre d’Etat ; » 2° de contraindre le parlement, « par commandement exprès du Roi, et au besoin par un lit de justice, » à voter sur-le-champ l’enregistrement de l’édit établissant dans le Bourbonnais la quatrième assemblée provinciale ; 3° de lui confier l’inspection des marchés pour la Guerre et pour la Marine, ce qui serait d’ailleurs aisé, le directeur s’étant par avance entendu avec le marquis de Castries, et l’assentiment de Ségur n’étant pas plus douteux[2].

Ce mémoire terminé, il retourna le soumettre à Maurepas. Le Mentor ergota, se récria sur chaque article, critiqua tour à tour chacun des moyens proposés. Il finit son discours en demandant au directeur « s’il resterait inébranlable » et ne se plierait pas à quelque équivalent. Sur réponse de Necker que « tous moyens lui seraient agréables, pourvu qu’ils eussent le même effet, » Maurepas offrait alors de s’employer à obtenir pour lui « les grandes entrées du cabinet du Roi. » Necker l’interrogeant sur ce que valait cette faveur, le Mentor, avec une malice sournoise, s’appliquait à la rabaisser, racontait, d’un ton dédaigneux, que lui-même, autrefois, avait reçu cette grâce, mais qu’il avait eu soin « d’empêcher qu’on l’insérât dans la Gazette de France. » Bref, il s’y prit si bien que Necker s’en alla plus froissé que jamais et ne gardant plus aucun doute sur « le mauvais vouloir » du vieux conseiller de Louis XVI.

Le Roi, jusqu’à cette heure, avait été tenu en dehors de

  1. Le mercredi 16 mai 1781.
  2. Dépêche de Mercy, loc. cit. — Journal de Hardy. — Mémoires de Marmontel. — Notice déjà citée d’A. de Staël.