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tiendrait-il au système de l’emprunt ? Ou bien recourrait-il au système de l’impôt ? Lui-même n’en savait rien ; Louis XVI n’était pas plus fixé. Dans la lettre où le Roi annonce à Joly de Fleury son avènement au contrôle général, on lit cet aveu ingénu : « Ne voulant pas encore nous expliquer sur la forme en laquelle nous nous proposons de gouverner un département aussi important au bien du royaume, nous avons cru ne pouvoir faire un meilleur choix que celui de votre personne pour l’administrer. »

Au cours de la première audience qu’il accorda aux receveurs et fermiers généraux, Fleury se contenta de déclarer, en peu de mots, qu’il n’avait accepté cette place que par soumission aux ordres du Roi, qu’il suivrait d’ailleurs, en tous points, « les erremens et les engagemens de son prédécesseur, et n’apporterait nul changement à l’ordre de choses établi. » Il fit tenir, le lendemain, même langage à la Bourse. « Ce n’était donc pas la peine de renvoyer M. Necker ! » s’écria l’un des assistans, ce qui causa quelque scandale[1]. On reconnut pourtant bientôt que l’affirmation était fausse et que tout changeait, au contraire, dans l’administration fiscale. Fleury n’était pas de trois mois en place, que des taxes nouvelles excitaient les murmures de la population. « Deux sols de plus par livre » sur les droits de consommation, et un « troisième vingtième sur les biens fonds, » augmentaient les impôts d’environ quarante-cinq millions par an. Ce fut, à cette nouvelle, un grand mécontentement parmi « les citoyens et habitans de la bonne ville de Paris, qui regardaient comme un fort mauvais début ce premier effort du génie du successeur immédiat du sieur Necker, que l’on regrettait plus que jamais, et l’édit crié par les rues échauffait toutes les têtes[2]. » Les récriminations ainsi mentionnées par Hardy étaient sans doute peu justifiées, car les emprunts s’annonçaient mal depuis le nouveau ministère[3], et force était au contrôleur de se procurer de l’argent pour couvrir les frais de la guerre. Mais, depuis bientôt cinq années, comme l’observe un contemporain, « le peuple s’était accoutumé à voir les charges de l’Etat se succéder sans que les siennes augmentassent, et il ne

  1. Correspondance de Métra. — Journal de Véri. — Mémoires secrets de Bachaumont.
  2. Journal de Hardy, 3 août 1781.
  3. Correspondance publiée par Lescure.