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du genre humain n’est pas mon fait, et si je suis indulgent, je ne suis pas banal. Une certaine tendance que j’ai à être aussi exclusif dans mes affections que large dans ma politesse, s’augmente avec le temps. Je trouve en définitive que la vie affermit beaucoup plus de sentimens qu’elle n’en détruit, deux qui sont très forts, s’isolent de plus en plus.


Versailles, 27 mars 1871.

A sa mère.

Je loge chez de bonnes ouvrières qui sont pleines de complaisance et me font mon café le matin. Versailles est plein de monde et l’on y trouve difficilement à manger : je vais au plus simple. Je passe mes soirées chez les Delaroche. Leur maison est très hospitalière, c’est un milieu tout à fait de mon goût, et bien intéressant en ce moment.

Le ministère est dans les appartemens de Marie-Antoinette. C’est superbe, mais on s’y consume de rage, d’ennui et d’impuissance. Ce Versailles est un incomparable chef-d’œuvre. Je me promène le matin dans le parc.

Voici maintenant à grands traits la situation.

Paris est calme en apparence et le dimanche d’hier a ressemblé à tous les dimanches. La population honnête est découragée, effrayée, ne veut rien faire et ne serait pas éloignée de reconnaître la Commune si la Commune ne se montre pas trop sauvage. Ici le gouvernement est personnifié dans M. Thiers. Une partie de la Chambre le combat, mais ne sait par qui le remplacer. On concentre des troupes en grand nombre et elles ont bonne apparence.

Soutenir M. Thiers et hâter une grande action militaire sur Paris, l’investissement si on ne peut pas emporter la place de force : voilà le plan à suivre et on le suivra. J’espère qu’il réussira.


Versailles, 1er avril.

A sa mère.

On concentre les troupes, on les forme, on les exerce ; elles s’améliorent beaucoup physiquement, moralement aussi, dit-on. L’important sera d’avoir un bon noyau qui engagera l’action.