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Mais au point où nous en sommes, cette action sera très sérieuse, et il faut attendre pour la commencer que l’on se sente bien prêt.

Je ne suis pas content de la Chambre : elle perd son temps et ne se forme pas assez. On dit que la fusion gagne ; mais il n’y a rien à faire pour le moment. Paris et les villes veulent la république, et proclamer une monarchie compromettrait l’avenir sans sauver le présent. Il faut attendre et laisser, si l’on peut, le pays réfléchir. Pour le moment, il n’y a à s’occuper que du rétablissement de l’ordre : c’est bien assez, et il ne faudrait pour atteindre ce résultat en venir à une dictature qu’en dernière ressource. Nous avons la république de fait, servons-nous-en pour nous sauver, et, si elle réussit, que le peuple en veuille, gardons-la.


Versailles, 5 avril.

A sa mère.

Nos allaires vont bien. L’armée s’est refaite d’une manière étonnante, et le moral des hommes est très bon. Ils comprennent ce qu’ils ont à faire. Comme d’autre part ils ont jusqu’à présent réussi sans éprouver de grandes pertes, ils sont pleins d’entrain. On procède avec prudence, et je trouve qu’on a raison.

La population ici acclame beaucoup l’armée et couvre d’injures les prisonniers qui sont horribles. Je comprends ces manifestations hostiles de la part du peuple ; de la part de gens du monde elles me déplaisent. On dit les français et les nationaux en opposant les uns aux autres. J’espère que nous nous en tirerons à notre honneur : cela sera bien nécessaire pour nous. Les Prussiens ne demandent qu’à intervenir ; ils sont poussés par toute l’Europe. Toute la canaille de l’Europe est à Paris ; c’est la grande lutte de la démagogie contre la civilisation ; si nous la menons à bonne lin, nous nous serons un peu relevés. Versailles est tout à fait hors de danger.


Versailles, 23 mai.

A sa mère.

… Nous avons appris dimanche la bonne nouvelle de l’entrée des troupes dans Paris. L’opération se continue. Les